LA REGLE PRIMITIVE - Chapitre Treizième :::: (Le 4ème H - Tome 1)



CHAPITRE TREIZIEME


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« L’homme qui avance au nom de la Règle fait en sorte que ceux qui
lui sont inférieurs ne puissent pénétrer ses desseins. » 
Livre des Assauts – 8ème Tercet


(Puits de Sephta – Niveau d’Accueil – Zone déclassée)


Il leur liste des informations qu’ils connaissent : la règle d’oralité, le fait que rien ne sera filmé ni enregistré, et en regardant Emmerick d’un air mauvais, que rien ne devra non plus être retranscrit. Il les menace, même : si une seule des informations échangées devait filtrer, ils seront tous dans l’obligation de nier. Tous. Est-ce bien clair ?
- Parfaitement clair. Panthéa Sikilê a adopté la même fermeté. Je propose que Jeen introduise la session.
- Ah bon ? Moi je crois qu’il faudrait discuter de sa présence, au contraire : Saintauret hoche du menton en désignant le Convers. A quoi bon rabâcher tout le reste si on laisse passer ça ? Déjà qu’on n’est pas tous là. »
Dehors, de grosses vagues roulent en contrebas de la porte à volant que les sept participants ont franchie en tentant d’éviter les paquets d’écume. Pénétrer le Fort en ruine par les coursives intérieures, au vu de l’instabilité des infrastructures, était trop dangereux : pupitres de commande arrachés, câbles sectionnés et capteurs dévissés, le lent pillage de Sephta jetait un voile opaque sur l’état sanitaire de la vieille centrale. Plus bas, c’était pire : les systèmes de ventilation étaient presque tous à l’arrêt et les programmes de régulation censés préserver des impressionnantes variations de pression à l’œuvre dans la chambre de combustion avaient un fonctionnement erratique.
Installé autour de la table d’analyse le groupe remue peu, engoncé dans de lourdes combinaisons à peine dégrafées. L’odeur de l’océan et l’humidité du vent vaudront de toute façon à ces vêtements d’être brûlés.
« Si c’est pour constater l’état de ce merdier – le militaire tape inutilement du talon de sa botte contre le sol qui ne résonne pas -, on aurait pu confier la tâche à une sorte de technicien, non ? » La fatigue durcit les traits de son visage, creusant deux diagonales dans sa mâchoire prognathe. De tous les présents, il est celui qui a parcouru le plus de distance. « On n’est quand même pas obligés, nous, de prendre ce genre de risques, si ? C’est un comble. » 
Il sait qu’il les énerve. Le BCM est probablement le dernier site du Réseau leur garantissant la neutralité : aucune des trois Profondeurs n’est plus en mesure de les accueillir tous ensembles sans un sérieux risque d’attentat. Il les toise quand même le sourcil levé tandis qu’ils tentent de se donner un style sous le déluge de photons qui inonde la pièce, chacun à sa façon. Globalement, ils ressemblent au souvenir qu’il a gardé d’eux. Panthéa s’est un peu épaissie, mais elle est toujours aussi apprêtée. Pas vraiment son genre, mais bon. Léo a l’air contrarié. Difficile de dire si ce n’est dû qu’à la fatigue, mais il a sa tête des mauvais jours, les yeux pochés et ce pli en bas des lèvres. Emmerick, c’est Emmerick : celui-là a toujours eu l’air vieux, avec ses lunettes à la con. Ils vont directement se mettre à parler de tout ce qui l’ennuie : en vrac, le Mur, l’Oblat, la Conclave. Le milicien se laisse aller à imaginer ce Conseil chez lui, à Ost : il les visualise arriver les uns après les autres dans sa forteresse, avec son uniforme : ça aurait une autre gueule. Panthéa pourrait même avoir une sorte de robe. Dans ce rêve, bizarrement, il y a Hymett. Pas Hört-Henri - il ne lui a jamais paru digne d’un quelconque intérêt - mais Hymett est bien là. Il se met à tapoter sur la table. Preutt lui a promis qu’ils viendraient rapidement à bout de ces questions-là. Encore Maulian. Toujours Maulian. Ces maudits Khal : ça a commencé avec son père, ça a continué avec lui et voilà que maintenant, il faut se coltiner son moutard. Trois générations de timbrés. Pyo l’aurait rassuré, aussi. Il n’avait jamais aimé ce genre de blablas. J’aurais peut-être dû faire comme Balt pensa-t-il pour lui-même. Avoir une bonne raison d’être ailleurs. Maintenant qu’il est là, autant jouer son rôle. Bien plus intelligemment que Preutt ne l’aurait espéré, d’ailleurs. Au-delà du malaise qu’il provoque, il les déstabilise :
 « Nous ne dirons donc rien sur le fait que celui-là soit au milieu de nous ? » Cette fois, c’est d’un hochement de tête que le géant gratifie Jeen assis à sa droite. Il n’a rien perdu de sa masse : appuyé sur un coude, le buste avancé en travers de la table, il lui impose sa corpulence. « …et ce serait à lui d’ouvrir le bal, en plus ?
- Jean-Paul… 
- Et quoi ? » 
Les autres restent assis, raides sur leur chaises en métal.
«  On se fout pas mal de ton avis, mon vieux. » A l’autre bout de la tôle moirée, Maulian vient de se pencher à son tour : « Allons, sérieusement, allez-vous vraiment jouer cette mascarade ? » 
Elle se croit obligée d’intervenir :
« Molin, inutile de mettre de l’huile sur le feu. »
La plus petite des silhouettes, réfugiée dans une cape brune volumineuse. Elle n’a pas le temps de finir.
«  Panthy, mets-toi où je pense tes recommandations. Qu’est-ce qui vous pousse encore à jouer aux bons élèves, hein ? Merde je vais devoir subir vos « Molin » par-ci et vos « Molin » par là ? Allons, Maverick, Georges, à quoi ça rime ? » Il les provoque du regard. Emmerick ne prend pas la peine de lever la tête. Au bout d’une seconde, il se recule à nouveau en soufflant bruyamment. Après ce qu’il vient de leur faire en emmenant Nadun au Mur, autant compter ses coups. Il décide d’ignorer Panthéa qui continue, en retour, de lui lancer un regard lourdement maquillé chargé d’éclairs. Il n’a échappé à personne que lui seul est armé. La crosse volumineuse du Knak-Ipo qu’il porte à l’oblique dans le dos sort au-dessus de son épaule comme un os poli. Jeen se surprend à souhaiter être n’importe où ailleurs qu’ici.
« Il ne faut pas confondre ce qui est d’avec ce qui a été... » La phrase de Georg Preutt sonne creuse. Jeen essaie de ne pas trop baisser la tête pour ne pas rater un signe qui lui serait adressé par la Mère ou le Haut-Dévot. Le Président choisit difficilement ses mots, semble-t-il : « Maulian, ta présence parmi nous est presque aussi critiquable que la sienne, surtout après le coup que tu viens de nous faire. Tu es prié, a minima, de garder un peu de réserve. Déjà bien content qu’on t’ait pas envoyé au trou pour ça alors de grâce, épargne-nous tes vociférations. » Et plus doucement : « Essaie d’être un peu sociable, pour une fois. » 
Sa voix s’étant interposée avec calme, chacun tourne la tête vers Emmerick qui essuie patiemment ses lunettes à l’aide d’un linge : « Et si nous laissions parler Jeen ? Nous avons effectivement intérêt à le libérer au plus vite, n’est-ce pas ? » Inutile de regarder le jeune Convers. Il sait qu’il est tétanisé. Preutt se racle la gorge.
«  Allons, puisqu’il semble que nous devons en passer par là... » 
La banquette qui fait face au Convers accueille successivement La Mère, qui vient d’ôter sa cape et laisse dérouler une chevelure colorée de tons indigos, le Grand Timon des Mines engoncé dans un manteau à l’épaisseur suspecte et enfin, Léonard Anmuroy, dont on n’a pas encore entendu le son de la voix. Le Médecin-Chef de la Corporation. Son rêve est en train de virer au cauchemar : la réalité de leur présence disloque son fantasme élitiste. Comme l’a souligné la montagne de muscle, effectivement, il n’a rien à faire là. Au milieu d’eux.
D’un geste, Preutt encastre son Encarta dans la console qui s’avance discrètement sur son abdomen : au-dessus de leur tête, le mécanisme de fermeture s’enclenche. Durant le temps que prend la plaque de béton pour coulisser, aucun d’eux ne s’exprime. Tous les yeux sont braqués en direction du plafond. Quand sa course prend fin dans un choc sourd, le quartz qui descend depuis le plafond s’illumine, plongeant le reste de la pièce dans la pénombre.
Jean-Paul se demande si le Niveau d’Accueil est resté allumé, au-dessus. Dans la nuit, là-dehors, une lampe de poche doit se voir à plus d’un kilomètre : autant agiter un drapeau à l’attention de tous les dégénérés du coin. Autant leur crier « Hey, on est là ! » depuis le toit de la Coupole. Est-ce le seul à s’en soucier ? Une pointe traverse son estomac, longue et douloureuse : les immondes pastilles de sodium que Léonard les a forcés à avaler ont du mal à passer. Okay, l’intensité des radiations éloigne les curieux. Okay, l’environnement du Puits est si hostile, et le forage si éloigné de toute voie praticable, que personne n’est en mesure de s’en approcher sans faire réagir les systèmes de défense d’Orangis. N’empêche, des types déterminés pourraient bien décider de s’en prendre à leur principale réserve d’uranium : y’avait qu’à regarder tout autour pour constater que personne ne se privait pour dépouiller consciencieusement le Fort, c’était presque un miracle que le couvercle de la chausse-trappe n’ait pas été retrouvé éclaté. Un miracle qu’ils aient trouvé assez de chaises pour s’asseoir. Des inconscients venaient carrément y faire leurs provisions - même si on ne donnait pas cher de leur espérance de vie juste après : ça se comptait à peine en Cycles, généralement. Okay, c’étaient les câbles et les consoles qui disparaissaient : personne ne prenait le risque de franchir le 3ème Niveau. Mais quand même. En fait, à bien y regarder, ils ont tous l’air inquiets. Chacun redoute un son qui viendrait d’au-dessus, voire pire, d’en dessous. Personne ne pourra plus se tenir véritablement debout.
« Très bien. C’est à vous, Convers. » La voix de Preutt résonne différemment, ce qui les surprend tous. Jean-Paul réprime une sorte de hoquet. Que ce soit la proximité du dehors, dont l’odeur affreuse suinte malgré les différentes couches de béton, ou cette salle fantomatique coincée sous une double dalle, cet endroit est lugubre. Jeen cherche un soutien auprès d’Emmerick, qui ne lui offre qu’un haussement de sourcil. Six paires d’yeux cernés l’observent.
«  Merci… de l’attention que vous porterez à mes paroles. Je souhaite tout autant que vous que ma présence reste limitée, soyez-en assurés. » Sous sa combinaison, il transpire abondamment. Entouré de la quasi-totalité des aulionniens encore vivants, il se demande s’il ne va pas être froidement exécuté sitôt son exposé terminé, puis abandonné dans le désert de glace qui les entoure. Maulian Khal a un fusil. Un calibre qui suffirait à rendre son cadavre méconnaissable. Il renonce à maîtriser le tremblement de sa jambe gauche, qui remue frénétiquement sous le plateau de fer. Sur sa droite, Emmerick a rajusté ses lunettes. Derrière lui, Jean-Paul Saintauret a les bras croisés sur le torse. Il se lance : « Comme vous le savez, Nadun est actuellement en Séminaire à Inari depuis presque onze Grand-Cycles, pas très loin d’ici... » Il tente de faire le vide sans y parvenir. Un rat parmi des chiens. « … Il devrait terminer sa Conversion et être ordonné à l’Oblation dans les cycles qui suivent : c’est en tous cas la mission qui a été confiée au Séminaire auquel j’ai été...
- Tu…
- Maulian, laisse-le finir. Nous savons tous les réserves que tu as prononcées concernant le choix d’Inari le coupe sèchement Emmerick. Mais ce Conseil en a décidé ainsi il y a déjà bien longtemps et pour le bien de tous je pense. Il est tout simplement hors de question que cette disposition soit remise en cause. » Le Haut Dévot vient en aide au Convers. Du moins, c’est comme cela que Jeen interprète son intervention. Jean-Paul tente de saisir ce qui se passe, déconcentré par les douleurs qui traversent son tube digestif.
«  Dis plutôt qu’une trouille bleue t’empêche de le laisser rester à Areie… »
Le bibliothécaire persifle cette fois, tournant ostensiblement la tête vers Maulian :
« Tu as l’obligation d’accepter les décisions que nous prenons, même celles concernant ton fils. D’ailleurs, il a déjà été décidé qu’il t’était ôté le droit de le considérer comme tel. Tu as déjà tenté de bafouer trois de nos décisions : ne crois pas que tout te soit éternellement permis…
- Oh, je sais bien que rien ne m’appartient. Ni la femme, ni l’enfant. » Son regard bascule vers Anmuroy : « Je ne sais pas plus ce que vous avez fait d’elle avant de la mettre dans ma couche que ce que vous allez faire de lui. Vous ferez les choses à votre manière, bien sûr : que pourrais-je bien y faire, hein ?
- Rien d’autre que de compliquer les choses, effectivement. Comme tu l’as fait en menant cet enfant au Mur. Tu viens de nous faire prendre à tous un risque inutile ; à toutes les Profondeurs même, si on y pense. Tu es incontrôlable et tu sais quoi, tu es le seul responsable de ce qui est en haut du Mur. Je me demande quand tout le monde l’aura enfin réalisé. Oui, je me le demande. » 
Saintauret le trouve étonnant. Farouche, presque. Et puis, l’autre est dingue, il a raison. Là-dessus, il lui donne entièrement raison. Une nouvelle aigreur le fait grimacer.
« Maverick, tu consultes bien trop ce Mur… Tu es bien le seul à le faire, d’ailleurs : eux s’en foutent, pas vrai ? Ca occulte clairement ton sens de l’analyse. » Le Haut Dévot se contracte sous l’attaque. « Vous m’avez fait promettre de donner cet enfant à l’Avent, je me suis exécuté. Que me reproches-tu exactement ? D’avoir voulu te le livrer en mains propres ? » Ce qu’il y a dans sa voix est pénible à entendre. Saintauret bascule discrètement son ventre d’avant en arrière pour tenter de chasser la douleur, ce qui a pour effet de mobiliser ses intestins. Seule Panthéa semble assez courageuse pour affronter la scène. « …Il aurait fallu que je te l’expédie au lieu de ta convenance, c’est ça ? Comme un colis ? »
Le militaire pèse la haine qui sépare les deux hommes. Allons, vont-ils se battre avant même qu’ils aient commencé ? Maulian laisse un nouveau silence peser mais cette fois, c’est à eux tous qu’il s’adresse. Le milicien se crispe. « J’ai effectivement inséré la Conclave dans le Mur mais vous, qu’avez-vous fait hein ?  Léo, avec mon gosse ? Georges, Panthéa ? » - Il s’en tire à bon compte. Il ne semble pas en avoir après lui. Pas directement. En d’autres circonstances il aurait pu prendre ça pour du mépris mais là, il en fera aisément son parti. – « Peut-être que lui le sait ? » Il désigne cette fois le Convers. « Peut-être que c’est pour ça que vous l’avez fait venir ? »
Jeen hésite à reprendre la parole. Le moindre de ses mots semble pouvoir déclencher un pugilat. « Et bien - a-t-il un autre choix que de poursuivre ? -, il semblerait que le jeune Nadun donc, soit entré dans, comment dire, une phase plutôt… réfractaire.
- En quoi cela nécessite-t-il ce rapport ? Inari est l’un des Séminaires les plus sécurisés de Septième. » Saintauret lève la tête : à son habitude, Léonard les fait passer pour des cons. Jeen, lui, pèse le pour et le contre : est-ce bien toujours à lui de répondre ?
« Oui, bien sûr… Assurément. Mais l’Oblation approche et…
- Nadun ne pourra pas se plier à vos simagrées, je vous l’avais dit.
- Maulian !!!… »
Il balaye l’air de sa main tandis que Panthéa ramène l’attention sur le jeune prêtre :
« Jeen, soyez clair, êtes-vous en train de nous annoncer l’échec de son noviciat ? » Elle lui porte le coup de grâce. Il louvoie un peu piteusement dans l’espoir de gagner du temps : « …Je suis obligé d’avouer que malgré tout le soin porté à son instruction, nous constatons (il fait le choix de d’englober la vieille baderne : après tout, si tout le monde le lâche, autant remettre les choses dans leur contexte)  avec la même impuissance un rejet de plus en plus frontal du code des Us… En gros, tout ce qui dépasse le cadre strict de sa « particularité » - il a hésité sur le mot à employer - se heurte à un refus à peine voilé de sa part. »
Le regard de Panthéa Sikilê ne cille pas. Emmerick ne lui adresse aucun signe. Si, peut-être une légère irritation. Autant en finir : cet exposé, il l’a ressassé mille fois durant le court voyage qui l’a conduit depuis les quais d’Inari jusqu’à Orangis, puis ici, dans les pas du père du gosse lui-même. Inutile d’essayer d’échapper aux choses. Le chef des Forces Franches est courbé en avant derrière le Haut-Dévot. Entrevues secrètes, usage récurrent de la clanique, provocations, intrusions dans les Laures des Frères, affrontements avec les autres Prétendants. Mensonges, soupçons de vol, cumul de corvées, Pénitenciels inutiles, il essaie de décrire la situation sans grossir inutilement le trait. Cette ingéniosité maladive, le fil qu’il lui donne à retordre, à lui : un simple enfant, pas même un adolescent. La connaissance faramineuse qu’il a des Tercets. L’instinct qui le tient sur le qui-vive, quasiment tout le temps, même quand il dort. Et ses régulières tentatives d’usage déviant de l’Œil. Voilà. Ca lui paraît étrangement court, pour finir.
« Comparé à la nature inventive de mon fils, enfin pardon, de Nadun, tu apparais, mon jeune ami, mentalement dépassé. » Toute colère a disparu de la voix de Maulian Khal. Ses mots sonnent d’autant plus durs. « Il est aussi imprévisible que ce que tu sembles incompétent ; quant au vieil Estheb… » Un silence gêné parcourt la table. Emmerick chasse une poussière imaginaire de son épaule. Jean-Paul tousse. Panthéa se décide.
«  Nous vous remercions, Jeen. Je pense que nous n’avons plus besoin de vos services dans l’immédiat. » En se reculant à l’abri du quartz, elle invite le Convers de quitter la pièce mais sous le coup de l’effort qu’il vient de produire, celui-ci reste à sa place. Après un instant de suspension, elle se penche à nouveau dans le halo, faisant ressurgir ses traits élégants au dessus de la table :
« Voulez-vous nous attendre à côté ? »
Le regard du Convers passe à travers elle puis comme précipité hors d’un rêve, il se lève brusquement : son crâne heurte le plafond rabaissé avec un drôle de bruit caverneux. Sous le coup de la douleur il creuse le buste en arrière dans une crispation électrique, s’embronche dans la table en manquant de tomber à la renverse puis la main collée sur le haut du crâne, les traits grimaçants, il resserre les pans de sa combinaison. Enfin, après une ultime hésitation, il fait demi-tour. « Retsams… Mère… » Il secoue nerveusement la porte à deux reprises, repère enfin le bouton-pressoir et parvient à passer le seuil. Le battant se rabat sur lui avec paresse, puis claque dans son montant. Avant que qui que ce soit ne puisse reprendre possession de la scène, Saintauret glapit :
« Va-t-on se laisser impressionner par ce chaperon ? Ce n’est qu’un putain de foutu gamin ! » Maulian ne relève pas. « Deux ou trois pisse-froids devraient arriver à le tenir tranquille, non ? C’est encore trop demander, mettre un gosse entre quatre murs ? Panthéa, combien de pauvres types croupissent dans tes geôles depuis des lustres sans le moindre espoir de revoir un bout de lumière ?
- C’est un tout petit peu plus compliqué que ça, Jean-Paul…
- Compliqué, vous n’avez que ce mot-là à la bouche. Il n’y a pourtant rien de compliqué à enfermer un gamin dans une cellule.
- Je n’ai pourtant pas souvenir que tu te sois proposé de t’en occuper toi-même, Jean-Paul. Tes propres cachots ne ferment peut-être pas bien ? Ou peut-être que plus simplement, Nadun te fait peur, tout comme à ce jeune homme. »
Le militaire parvient à garder un peu de contenance, même si chacun a noté la prudence qui a immédiatement freinée son embardée : à son tour debout, la tête penchée sur le côté, Maulian réajuste son ceinturon en tirant sur les pans de sa combinaison, parachevant un sidérant contraste d’avec la fuite éperdue de Jeen. Le canon de son arme sort de derrière sa cuisse en projetant une ombre bizarre.
« Je reviens.
- Maulian ! Tu ne vas pas…
- Je ne vais pas quoi ? » 
Trois d’entre eux doivent se tourner à moitié pour le regarder rejoindre le Convers sur le banc de fer, de l’autre côté du vitrage blindé. Le claquement discret du sas retentit pour la seconde fois. Après un temps, Georges, Panthéa et Anmuroy pivotent sur leur chaise. A la limite du supportable, Saintauret prend cette fois Léonard à témoin :
« A quoi est-ce qu’il joue ? Bien sûr qu’on a peur ! J’ai peur, Georges a peur : même eux, ils ont la trouille (il désigne cette fois Panthéa du menton, bien que moins violemment que tout à l’heure) ». L’asiatique le toise, indifférent. « Et puis merde, pourquoi perdre notre temps à écouter ça ? Ca le rend dingue, et votre type s’est contenté de nous dire qu’il a la pétoche… Tu parles d’une nouvelle !
- Ne noircis pas inutilement le tableau, Jean-Paul… » Léonard Anmuroy marque une pause. Saintauret se sent dérangé, cette fois. Il faudrait qu’il trouve un moyen de libérer ses entrailles. Il songe un instant à les quitter lui aussi (y a-t-il encore un chiotte en service dans ce foutu bunker ?) « …mais tu as raison sur un point : cet endroit ne me paraît pas très approprié à de longs palabres.
- Maulian a tout préparé : n’oubliez pas qu’il vit ici. A tout prendre, cet endroit doit pouvoir en valoir un autre. Quant à Balt, je suis certaine qu’il préfèrerait être parmi nous, assène Panthéa : je suppose que d’impérieuses obligations le lui interdisent ? » Elle prononce cette dernière phrase en se tournant vers  Preutt, ce qui l’oblige à dire quelque chose.
« La tradition exige sa présence, je vous l’accorde, finit-il par livrer de mauvaise grâce. Mais je crois pouvoir dire que Balt n’aurait pas plus goûté que nous à ce récit nauséabond. » Après avoir guetté une expression sur le visage de Panthéa, il parcourt son maigre auditoire des yeux. L’intervention du Convers est un fiasco : en espérant les inquiéter, la Matriarche n’a réussi qu’à s’enfoncer. Jean-Paul leur a parfaitement joué sa partition, un orfèvre de mauvaise foi, de râlerie et de bêtise. Elle est foutue.
« Le petit Khal leur en fait baver ? Ce Jeen l’emmènera ailleurs sitôt qu’il en aura fini avec Estheb, qu’il ait réussi à entrer dans le rang ou pas : du moment que c’est loin du Mur, après tout, quelle importance ? » Anmuroy le regarde faire. Un sacré aplomb. Il ne se fend même pas d’un embryon d’explication pour Balt. Et leur balancer ça quand ils savent tous les deux ce que Balt est en train de faire… Il repense à Antoñ. Peut-être que Georges est une ordure, finalement. Qu’il va le baiser en beauté. « Nous, en tout cas, nous sommes là. » Les yeux du Grand Timon balayent une fois encore chacun des présents avant de monter en direction du plafond bétonné, les invitant à suivre son regard. « Et c’est plutôt de ça dont nous aurions à débattre : de là-dessus. Je propose donc, avant que ces deux là ne reviennent, de profiter de cette relative intimité pour en venir aux faits. Le gosse a foutu ses doigts dans le Mur, et alors ? La terre n’a pas tremblé : aucun Puits ne s’est effondré sur lui-même, aucune Apocalypse ne s’est abattue, si ? Allez, le temps nous est compté – il tourne vaguement la tête vers la vitre derrière lui : on finira bien assez tôt par devoir à nouveau le perdre avec les erreurs du passé. »


*

« T’as quel âge ?
- Vingt-six. Peut-être un peu plus. Y’a eu une panne de courant à la pouponnière quand je suis né, soi-disant. Ils savent pas très bien dire. »
Assis côte à côte, ils composent un tableau déséquilibré. Maulian, engoncé dans sa combinaison de pilote cerclée de métal, le fusil en travers du dos, semble attiré vers le sol. Le Convers lui, a le dos appuyé contre la paroi, la tête en arrière : sa pomme d’Adam se détache d’un cou mal protégé. Face à eux, la table du Conseil s’imprime derrière le triple vitrage dans l’auréole verticale de la lampe. Un froid pierreux les enserre, tandis qu’aucun son ne parvient du spectacle qu’ils contemplent d’un même œil terne.
«  Ils en auront encore pour longtemps ?
- Ils ont besoin de ça. Ca peut durer. »
Dans un synchronisme involontaire, ils échangent leur posture : Maulian se redresse contre le mur tandis que Jeen bascule vers l’avant.
« Vous allez me flinguer ?
- Moi ? Non… Pour quoi faire ?
- Je sais pas. Quand je vous ai vu sortir de cette façon-là… »
L’ampoule au-dessus d’eux grésille, puis s’éteint. Un rideau d’absence les désintègre momentanément du paysage. De l’autre côté de la vitre, la discussion semble avoir repris. Ils regardent la scène sur-éclairée sans un mot. Le froid monte déjà à l’assaut de leurs pieds.
«  Il est triste ?
- Nadun ?
- Qui d’autre.
- Au début, parfois. »
Est-ce un piège ? Les autres Fondateurs n’ont pas semblé s’opposer à ce que Maulian Khal le rejoigne avec son fusil si bien qu’à l’instant, il leur en veut terriblement. Surtout à la Mère, à vrai dire. Dire qu’il a cru pouvoir profiter d’un instant de répit.
« Vous le frappez ?
- Le frapper ? Vous n’y pensez pas ! La Mère me tuerait… - Maulian esquisse un rictus - Je pense qu’il est plutôt en colère. La fin du Noviciat approche, les autres vont repartir. Ca le travaille. – Il observe une pause –Il ne m’aime pas beaucoup, vous savez. »
Maulian se demande quel genre de type espère encore être aimé par quelqu’un, ici bas. L’idée le laisse un instant perplexe. Ce pauvre Emmerick, peut-être. « Et l’autre ? »
«  Quel autre ? Celui qui a voyagé avec nous, le Gros ? Lui, il en prend plein la gueule.
- Ne l’appelle pas comme ça.
- Pardon… Rod. Je… Ils l’appellent tous comme ça. Tout le monde l’appelle comme ça.
- Je vois.
- Ca va être dur pour lui. Beaucoup plus dur. Pour tout dire, je comprends toujours pas la décision du Haut Dévot de l’avoir expédié à Inari : il a certainement ses raisons mais à mon avis, il tiendra pas longtemps. C’est pas vraiment des enfants de chœur, là-bas. Avec ce genre de gosses. A quelques exceptions près, c’est même une belle brochette de salauds. Enfin, entre eux, je veux dire. » Les intentions de son interlocuteur sont mal définies. Le fait qu’il s’intéresse au Gros, qui ne présente aucune espèce d’attrait, est une nouvelle source d’intrigue. Manyan, il aurait compris ; Giro même, à la limite. Mais le bouboule... La question suivante le cueille encore.
«  Que prévoit l’Ordre pour ceux qui échouent ?
- Heu… En substance, pas grand-chose. En tant qu’Oblat, s’il venait à renoncer à la Conversion, il finirait par être confié à un Avant-poste. Enfin, je crois. On parle toujours de Rod, là ?
- Il pourrait briser ses vœux ?
- Briser ses vœux ? C’est un cas de figure plutôt…
- Il le peut ?
- Je suppose que c’est possible. Ca ferait de lui un Retranché. »
Maulian expire bruyamment. Là où sa tête a rencontré le plafond, le cuir chevelu de Jeen palpite douloureusement. En s’en tenant aux recommandations de la Règle, les Retranchés aventiens doivent être exclus du réseau d’Alliance. La plupart d’entre eux sont condamnés à errer dans les Premières Profondeurs, aux côtés des Reclus.
« Et toi ? Si tu échoues dans la mission qu’ils t’ont confié… Si tu échoues avec Nadun ?
- J’en sais trop rien. Surtout après avoir assisté à ça. (Il désigne la vitre du menton)
- Ca ? Tu t’habitueras.
- M’habituer ? Je pense pas qu’ils vont refaire appel à moi de sitôt… »
Le silence suivant dure un peu. Chacun leur tour, ils cherchent une position plus confortable, en vain.
«  Et vous ? »
Le prêtre esquisse un sourire. Le Convers n’en mène pas large mais il vient de faire preuve d’audace. Ca l’amuse.
« Je vais essayer de les retarder. Reculer le moment où ils vont tout faire foirer. Les empêcher que ça arrive trop vite. De faire sans moi.
- Visiblement, vous y arrivez plutôt bien.
- C’est pas moi qui leur pose problème. Enfin, plus maintenant. »
Vue de loin, la scène dévoile plus de choses, étonnamment : le Président et la Mère s’agitent, Saintauret lance des gestes en avant. Léonard Anmuroy les observe. Le Haut Dévot, lui, est renfermé sur lui-même.
« C’est vraiment Père Emmerick qui a rédigé la Règle ? » Cette phrase-là est sortie de sa bouche sans prévenir. Il la regrette aussitôt mais quelque chose indique aussi, confusément, qu’il peut poser à son visiteur à peu près n’importe quelle question sans qu’elle ne revête plus la même charge émotive qu’avec les autres, à l’intérieur.
« Maverick ? Oui. C’est lui qui a tout écrit. Celle-là, et l’autre. »
La simplicité de la réponse, de fait, ne le surprend pas. Le père de Nadun vient d’évoquer la Règle Primitive, l’interdite, avec tant de banalité que lui-même n’y trouve rien à redire. Une sorte d’intimité les tient assis côte à côte dans le noir. Ce type peut le pulvériser à tout instant sans prévenir, c’est peut-être à cause de ça. Il plisse les paupières, réduisant sa vision à un filet trouble. Il sent la bosse vertigineuse en train de se former sur son crâne, qu’il n’ose pas tâter. Il scrute le Haut Dévot à travers la paroi.
« Il les laissera pas faire.
- Quoi donc ?
- Le Mur. Il laissera personne y toucher.
- Pfff… Maverick vaut pas mieux que les autres. »
Et vous envisage-t-il de demander à nouveau, mais cette fois, il s’abstient. Il choisit autre chose :
« Et celui-là, le « Professeur » ?
- Lui ? Il les baisera tous… » Jeen se promet de se renseigner davantage sur celui auquel Maulian Khal vient d’attribuer un tel compliment.
« Tu vas transiter par le Ligodon pour redescendre, c’est bien ça ? Ils vont t’y faire passer, pour rejoindre Inari. Faut que t’ailles trouver Doug. Doug Anachur. Le CommIntendant. Lui dire, pour Rod. C’est son fils. »
Le Convers réfléchit un instant. « Lui dire quoi, exactement ?
- Tu trouveras bien. T’as l’air doué pour ça, on dirait. Et tu devrais aller faire un tour. C’est pas une bonne chose de rester là à les regarder. Ils t’en voudront. »
Maulian Khal réside à Orangis. Parler au CommIntendant lui serait facile, après le Conseil. Mais il sait maintenant qu’il a été choisi pour ça. Essuyer les coups. Donner les mauvaises nouvelles, celles que personne n’a envie d’entendre. De l’autre côté de la paroi transparente, à la suite d’une agitation intraduisible Saintauret lève la tête vers eux, plissant des yeux pour essayer de les repérer à travers la vitre. Après tout, Maulian Khal a peut-être raison.
« Vous restez là ?
- Oh, moi, j’en ai probablement assez vu aussi. Et puis je ne pense pas que qui que ce soit là-dedans soit pressé de me revoir. »
Il cesse de regarder en face comme s’il en avait terminé avec quelque chose puis sans crier gare, il se lève. Instantanément, le Convers l’imite. Faire un tour. Il en a de bonnes. « Y’a qu’à suivre les ampoules. » Indécis, Jeen jette un dernier regard sur le conciliabule inaudible puis avec un léger temps de retard, part à la recherche du Fondateur sans avoir la certitude d’avoir été invité à le faire. Une fois la salle entièrement contournée, il se retrouve à l’aplomb d’une série de petits escaliers dans une obscurité frigorifique.
« Je te déconseille d’aller par là. Le sac-poubelle qui te sert de combinaison ne suffirait pas à arrêter le tiers des saloperies qui irradient là-derrière. » Bêtement, Jeen ôte sa main du pan de mur sur lequel il s’est appuyé. Dans la pénombre, il distingue enfin Maulian affairé au-dessus d’un boîtier. « A Sephta, faut se contenter de monter » dit-il.
En haut de la deuxième échelle – la première était rivetée dans un tube, celle-là est à ciel ouvert -, une série de containers longe un couloir lugubre. Essoufflé, les cuisses encore tremblantes - ils ont dû monter pas loin de vingt mètres- il échoue à déchiffrer la signification des peintures qui délimitent le sol à l’équerre. Dans chacune de ces salles de quarantaine, autrefois, deux médecins étudiaient au cas par cas le degré de contamination des postulants à l’Enfouissement. Il n’y avait encore que deux Profondeurs, à cette époque. Le triage était drastique.
Tout au bout du corridor, Maulian se faufile derrière un pan de béton rectangulaire qui obstrue le passage. Il flotte une odeur indéfinissable, quelque chose de froid. Jeen, après avoir traversé la moitié du chemin, tend le cou. Cette fois, c’est un air glacial qui vient de lui souffler au visage. Un souffle horriblement vivant, qu’aucun contacteur ne saurait éteindre, qui a gémi le long de la paroi avant de filer dans son dos. Il recule. Son sac est resté là-bas, avec son masque posé dessus. Si le moindre danger était là Maulian Khal aurait enfilé son propre équipement : à elle seule, sa combinaison témoigne d’une habitude évidente à la fréquentation des Frontières Extérieures. Jeen n’en a jamais vu de semblable. Il pense un instant à la sienne, aussi mince qu’une couverture. Ils sont bien plus haut que la Deuxième. Plus haut que la Première même, il ne sait pas vraiment. Affreusement haut. Il se force à respirer par le nez, comme si cela pouvait suffire. Puis la curiosité l’emporte. La peur de rester seul, surtout.
Le souffle l’oblige à cligner des yeux. Sur sa bosse, l’air aiguise la douleur comme un abrasif. Un chemin s’engage droit devant dans lequel le vent hulule à plein régime. A quelques mètres, éclairé d’une façon qu’il peine à définir, Maulian est appuyé contre une rambarde la veste gonflée comme une baudruche, les cheveux malmenés. Prudemment il s’approche à son tour : sous l’assaut de l’air gelé, ses joues piquent d’une sensation inconnue. Lorsqu’il se décide à sortir de l’ultime protection de béton latérale, une volée de gouttes lui cingle le visage au point qu’il doive ouvrir à demi la bouche. Une langue claire se détache qui ne prend fin nulle part, étalée en travers de l’horizon. Le mouvement de la mer est à peine visible mais le grondement du ressac, lui, enfle tout autour. Ca retentit à l’intérieur de sa poitrine, soulevant d’une voix caverneuse une vague d’émotions qui s’agglutinent dans sa gorge sans trouver de passage tandis que des paquets de pluie lui cravachent le front. Tout devant lui, autour de lui, rugit et souffle : aucune barrière ni mur ni rambarde ni plafond n’obstruent cette vision étourdissante si bien que privée de tout repère la tête se met à terriblement lui tourner : il doit s’accrocher au rebord pour ne pas partir en avant, le corps aspiré par ce vortex de nuit, d’embruns et de grommèlements liquides. C’est finalement la bouche grande ouverte qu’il affronte la nuit de l’Hammerfest penché de façon grotesque, un genou calé contre la rambarde, l’autre jambe tendue comme un vérin avec son pied ancré dans le sol. Des larmes ininterrompues partent du coin de ses paupières pour être aussitôt emportées, cependant que les yeux réduits à la taille d’une fente, il embrasse la démesure de la côte vrombissante. Ce n’est qu’au bout de plusieurs secondes qu’il distingue la forme noire sur leur droite. Orangis. Comment ne l’a-t-il pas remarquée plus tôt ? A quelques pas de lui – il n’a pas réussi à aller plus loin - Maulian scrute laborieusement un endroit du paysage à quelques centaines de mètres en contrebas avant que d’un geste inattendu, il ne se redresse et quitte son poste d’observation. « Allez !... » Jeen tourne la tête et l’interroge du regard alors qu’il remonte à sa hauteur, un paquet de cheveux rebattu sur la tempe.
 «  Hein ?... »
Une rafale emporte les mots du prêtre vers le large, noyant leur signification dans une bourrasque rageuse : « Je dis : FAUT PAS TRAINER TROP LONGTEMPS ! - il crie presque - C’est pas cent-pour-cent nettoyé non plus, même avec le vent du Nord : quand il tombe cette putain de pluie, y’a tout qui remonte !… » Les deux hommes rebroussent péniblement chemin jusqu’à l’auvent.
A l’abri de la colonne de béton, Jeen se recoiffe. La peau de son visage est anesthésiée et une douleur incisive s’enfonce comme une pique à l’intérieur de ses tympans.
« Tu les as vus ? Les types, là-bas. Lapons, probablement. Des Sames. A mon avis tu vas devoir rester encore un peu avec nous. » Il désigne la direction d’Orangis d’un mouvement de tête : « … le Worlex a dû les attirer.
- Où ça ? Dehors ? » Mais déjà, Maulian s’en va.
Cependant, à peine a-t-il entamé la marche qu’il se retourne :

« J’espère que vous y êtes pas allés trop fort avec lui, Jeen. C’est qu’un gosse, bon sang. »

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