LA REGLE PRIMITIVE - Chapitre 0nzième :::: (Le 4ème H - Tome 1)
CHAPITRE ONZIEME
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« On ne préfèrera rien à la Règle.»
Livre
de la Conduite – 2ème Tercet
(Centre
Sanitaire d’Ousse, Cité du Chevron -
Inter-Profondeur Sixième/Huitième – zone non-cartographiée)
« Cela faisait longtemps que tu ne m’avais plus
fait remonter, Professeur : je n’irai pas jusqu’à dire que ta conversation
m’ait manquée mais… - Il sourit dans l’obscurité - Pour répondre à ta question, ça remonte bien
avant Celio. A Saint Paul, si ma mémoire est bonne. Toute nouvelle vie a déjà mérité la mort. Tu vois, on ne peut pas
tout lui imputer : il a juste réhabilité d’anciennes notions à un moment
propice, comme vous l’avez tous fait. -
Un arrêt - Personne n’en a conscience mais là-haut, les choses avaient fini par
nous rendre tous plus ou moins dingues. Les gens mourraient par milliers. Des
foules entières. C’est difficile à imaginer maintenant. Disons que la plupart
d’entre nous ont agi par instinct. En fait, si tu veux mon avis c’est plutôt
toi que j’aurais tendance à considérer comme un Neutien… »
Ce ne fut pas aussi provocant que le vieux Tobbe
l’aurait souhaité : Léo ne s’était
jamais caché d’accointances avec un reste de philosophie Universaliste. Fermé
aux deux autres réseaux par une avalanche de procédures, le Chevron s’attachait
effectivement à distinguer ce qui restait susceptible d’être l’objet de
l’expérience de ce qui ne l’était définitivement plus. En Sixième, il était
considéré que le contenu du monde des Profondeurs était réductible à de
l’énergie et à des champs de force opérant dans un cadre circonscrit.
Neutien ? Le cœur de cette terre abritait des formes de vie parmi les plus
impressionnantes, des organismes millénaires aveugles et immobiles n’ayant que
faire, dans leur biotope de silence, de l’irruption humanoïde : les étudier,
les analyser, comprendre les mécanismes leur ayant permis de se nourrir, de
s’hydrater et de croître, de se reproduire dans un tel dénuement, amenait
autant d’informations à leur espèce que ce que la conquête spatiale ou
l’exploration des grands fonds marins avaient pu le faire, autrefois. Chaque
troglobie suffisait à convaincre Léonard que si un « niveau ultime de
l’être » avait à être révélé, ce n’était pas dans l’anéantissement du
corps individuel, ni dans sa fusion dans un Grand Tout - qu’il trouvait plus
proche d’un vaste rien (cette blague continuait de le faire sourire). Non, au
tréfonds de la roche, pour lui, il n’y aurait d’autre Révélation que par la
science.
« Mais Celio, tu l’as rencontré
là-haut ? »
Le vieux moine le regarda par dessous avant
d’enchaîner comme si cette question, à nouveau, n’appelait pas de réponse
directe :
« Dès la naissance, le mal s’empare de chaque
seconde de la vie d’une âme : voilà ce que je crois. Le lieu, les figures
ou les époques n’y changent rien : finir ensevelis le démontre mieux que
jamais, voilà tout. Faut être sacrément borné pour ne pas voir ça. Il n’y a qu’à
regarder tout autour. Toute cette honte. »
Les Profondeurs ne comptaient quasiment pas de ceux
ayant vécu, comme ce Tobbe, un pan de vie à la Surface - fût-ce un brin
d’enfance imprécis. Cet homme avait encapsulé suffisamment de souvenirs de
ciel, de soleil, d’air, d’espace pour que l’Enfouissement ne puisse jamais
apparaître autrement qu’en qualité d’enterrement prématuré : pour ceux-là,
il n’y avait jamais eu de possibilité d’adaptation. Beaucoup s’étaient laissés
mourir comme privés de photosynthèse, d’autres étaient devenus incontrôlables
comme ceux des Serpes. La plupart de ceux encore assez valides, la plupart de
ceux qui n’étaient pas cadavériques à cracher du sang dans un linge ou à tendre
une oreille cafardeuse aux borborygmes de leurs organes erraient sous la
Surface au milieu de débris du passé, vêtus de hardes d’un autre âge. Les rares
autres ayant accepté d’endurer l’Enfouissement étaient imperméables :
inutile de leur faire entendre un quelconque avenir dans un monde creusé.
A le regarder harnaché dans son baudrier bardé de
mousquetons, il fut impossible à Léonard Anmuroy de ne pas faire le
rapprochement avec Alphan. Malgré des yeux désagréablement vitreux - il était
certainement à demi aveugle - la vie sourdait de lui par chaque pore de cette
peau qui dépassait de son encolure, couturée comme une plaque de tôle. Des
types plus jeunes, pareillement méfiants et sans aucune espèce d’attache
vivaient dans son sillage. Hypnotisés par cette vision terriblement désenchantée
qu’il leur délivrait de l’humanité. En fait, il ressemblait à un gros lézard.
Machinalement, Léonard se demanda à quelle sorte d’animal il pourrait lui-même
s’apparenter, sans obtenir d’image précise. A bien y penser, les scissionnistes
s’étaient contentés de reproduire à grande échelle ce qu’ils avaient eux-mêmes
ébauché à partir d’Ahaesk : une réplique de ce à quoi aurait pu ressembler
la Quatrième, un inextricable réseau de goulets débouchant sur des failles
vertigineuses au-dessus desquelles étaient tendus des cordes et des filins
auxquels s’arrimer comme des parasites, ou de courtes anfractuosités vides de
toute beauté au fond desquelles étaient aménagées des antres.
Quant à ceux qui s’étaient cachés dans le fatras des
chantiers de la Triale jusqu’à ce que Panthéa lance ses fameuses patrouilles, ils
s’étaient émiettés là où l’ombre était restée épaisse. Les Serpes. En dehors de
Léonard, personne ne souhaitait leur tomber dessus. Mais le scientifique, à
tout prendre, préférait ce qu’ils disaient de l’Homme plutôt que la pulsion
morbide défendue par des types comme celui assis à côté de lui. A leur façon,
les Serpes assuraient la survivance d’une caractéristique propre à
l’espèce : une révolte insoluble contre un destin qu’ils se retrouvaient
incapables d’inverser autant que d’accepter. S’en résultait un désir brutal de
survivance, idiot et sanguinaire, qui en faisaient le cauchemar des
Profondeurs. Les types des Frondes faisaient peut-être moins peur, mais Léo se
méfiait d’hommes réfléchissant leur rancœur, macérant des savoirs dans la nuit,
complotant comme de maléfiques créatures. Comme ils l’avaient fait eux-mêmes,
en somme. Et où cela les avait-il conduits, sinon au pouvoir ?
« Qu’une sorte de Mal nous façonne, je te
l’accorde. Mais…
- Le bien et le mal ont toujours été des concepts
variables en fonction des époques et des cultures. Le cosmos, l’univers, le
monde, tout ça – le Tobbe balaya l’air d’une main, faisant cliqueter ses
mousquetons -, toute cette force impersonnelle, c’est ça qui décide, pas nous. Après ce qui s’est passé là-haut, plus
rien de ce qui a pu faire office de valeur n’a d’intelligence à perdurer. Il
faut juste attendre. C’est aussi simple que ça. Patienter au chevet de notre
ère avec la modestie qu’il nous reste. Toute la discrétion possible. De cette
façon, il n’y en a pas pour très longtemps.
-
L’extinction ? Le Vasd Neut a théorisé ça effectivement, je te
renvoie à ton compliment. Mais je ne suis pas sûr qu’une accélération violente
du processus soit la plus naturelle
des options, si ?
- Tu avoueras qu’il est tout aussi ridicule de laisser
se réinstaller certains mécanismes : nous veillons un mourant et pourtant,
beaucoup d’hommes se persuadent encore de jouer une partition inédite… Tu es
toi-même le produit de ce genre d’aveuglement, non ? Un enfant de
l’Atoll… »
Anmuroy fit la moue. Personne ne lui rappelait jamais
ce pan de sa propre histoire et il réprima une légère colère à l’évocation de
souvenirs dont il aurait voulu qu’on ait perdu la trace. Depuis Alliance, les
épisodes antérieurs à la Guerre des Clans avaient trouvé une place à l’ombre du
Mur-Mémoire et personne n’éprouvait plus l’envie d’aller les consulter. D’autant
plus chez les Lanidraques d’Areie. Qui s’intéressait encore à l’histoire de la fosse de Mitsugo / Tori Shima ?[1] Seul
un frondiste était assez pervers pour ça. Fouiller l’Histoire pour en extirper
le pire, et en étayer son Vairagya, le « dégoût du Monde ». Cette
quête de toutes les vicissitudes ayant précédé, puis suivi l’Enfouissement
était entre les mains des Frondes une arme redoutable. Sur ce terrain de la
connaissance du passé, seul le Mur-Mémoire s’opposait encore à eux : un
rempart sur le point de vaciller.
A nouveau, il lui fut impossible de déterminer si le
Patriarche le regardait ou s’il auscultait l’atmosphère confinée à la recherche
de signaux, comme un insecte le ferait avec son appendice. « Mais allons,
tu ne m’as certainement pas fait monter pour ça, n’est-ce pas ? Les Serpes
te fournissent largement en cobayes sans que tu aies besoin de nous :
qu’est-ce qui te tracasse au point de venir te compromettre à mon contact, Professeur ? On cherche rarement la
compagnie des Frondes par courtoisie ou par plaisir de par chez vous dit-il en
hochant la tête vers la tubulaire.
- A vrai dire, les choses se compliquent.
- Le temps nous donne raison, qu’y a-t-il de
surprenant à ça ? Réagir face au pire, c’est même le fondement stupide de
cette histoire de Clans : le Clan que l’on rejoint donne un sens au
destin, comme le profit, là-haut, a fini par supplanter tout le reste. On continue
de s’accrocher à des choses pour échapper à la peur. Mais aucun de ces chemins
factices ne remplacera jamais ce qui est fondamentalement Bien de ce qui ne
l’est pas : certaines questions n’ont plus besoin d’être posées, ici-bas. » Cette
fois, il planta clairement ses yeux incolores dans ceux de l’asiatique :
« Je ne te parle pas de morale. Je parle d’éthique.
- La notion d’éthique n’a rien à voir là-dedans,
Antoñ : c’est du spectre d’une autre catastrophe dont il s’agit. Tu le
sais très bien. Que la Remontée soit un bien ou un mal, quelle importance.
- Tu te trompes l’ami. Rester prisonnier des pierres,
ressurgir au milieu du poison, se déchirer le pouvoir, décider de ce qui sera
utile ou pas : qui est en mesure d’entrevoir l’avenir depuis son tombeau ?
L’obsolescence du modèle humain était déjà bien entamée quand vous avez décidé,
vous, les aulionniens, d’en inverser la courbe. Mais je te rassure : cela
n’a jamais fait de vous des Prophètes. Encore moins maintenant qu’avant…
- Des prophètes ? Nous ne faisons que jongler
avec ce que Celio nous a obligés à faire…
- Vous abriter derrière lui pour justifier votre Avent
est une duperie : je ne pense pas qu’il ait jamais envisagé que ça
ressemble, de près ou de loin, à ce que vous avez généré.
- Qu’est-ce que tu en sais ? » La réaction
de l’asiatique surprit le vieux chef des Frondes, qui recula légèrement.
Léonard brûlait d’en entendre davantage. « Tu restes soudainement bien
silencieux, Frère. Cette prudence t’honore, mais j’ai déjà entendu dire que
certains des tiens pourraient rejoindre un camp.
- Un camp. Voilà un mot qui n’avait plus été prononcé
depuis bien longtemps…
- Appelle ça comme tu veux : accepte simplement que
je m’interroge sur les intentions de la Huitième.
- Ce n’est pas impossible. Nous ne comptons pas que
des ascètes parmi nous, Professeur. Et malgré certains services que nous avons
pu nous rendre mutuellement, il serait présomptueux de nous imaginer tous, collectivement, comme une sorte
d’allié... Chez nous, on attend plutôt que tu clarifies ta propre vision des
choses. Mais si ça te tranquillise, je peux t’assurer, en attendant, qu’aucun
Frondiste ne pourra être forcé à une morale qu’il n’a pas choisie. »
La conversation tournait en rond. Léo s’agita sur son
siège, conscient que son énervement jouait contre lui. Il le sentait soupeser
la façon dont il s’y prenait pour orienter le dialogue, juger de l’habileté avec
laquelle il essayait de l’amener à la confidence : il procurait au vieux Tobbe
un délicieux divertissement. Par jeu, il ne lui livrerait rien mais prendrait
un malin plaisir, au contraire, à glisser des sous-entendus dont il faudrait
percer la portée, si tant est qu’il y en ait une - il pouvait tout aussi
bien le promener juste pour mieux jouir de l’exercice. En soi, ça restait une
indication : si la Huitième s’était vraiment désintéressée de la
situation, il l’aurait éconduit. A la place, il s’amusait de lui. C’était
humiliant mais personne n’était là pour constater les difficultés qu’il
rencontrait à faire fléchir le vieux et il restait encore, malgré tout, une
possibilité de lui soutirer quelque chose. Les espions qu’il avait parmi les
Serpes ne s’étaient peut-être pas trompés, après tout. La Huitième restait
l’endroit le plus logique pour Celio. La meilleure planque. A elle seule, cette
hypothèse justifiait de s’abaisser un peu. Enfin, pour l’instant c’est avec ça
qu’il se réfrénait, même si le goût était amer. Même si l’habitude perdue de
rencontrer de l’opposition l’irritait tellement qu’il se sentait à deux doigts
de l’explosion, à deux doigts de rentrer dans l’une de ces colères qui
faisaient régulièrement trembler les murs carrelés de la Sixième - et expédiait,
à l’occasion, un laborantin ou l’autre dans une basse-fosse. Mais l’enjeu était
trop important. Au vu du sort qu’ils réservaient à Nadun, une irruption des
scissionnistes dans le décor pourrait tout foutre en l’air. Georges et Balt en
avaient-ils bien conscience ? Il lui parut soudainement nécessaire de
réorganiser le Chevron. Se protéger davantage. S’enfermer complètement,
pourquoi pas. Il s’efforça de sinuer encore un peu.
« Forcé ? Qu’est-ce que tu appelles morale,
exactement ? La morale, avant que nous, nous ne creusions les Profondeurs,
c’était quelque chose de différent à chaque croisement de coursive. Tu dénonces
l’absurdité de laisser à l’Homme l’appréciation du Bien et du Mal mais ce qui
définit la notion de morale, c’est précisément le fait que ce qui est moral
doit pouvoir être généralisé : si
ce que tu entends par morale c’est estimer, comme La Mère, que la plupart des
Enfouis sont victimes « d’épuisement cognitif », alors tu ne vaux pas
mieux qu’elle. » Cet épouvantail pseudo-philologique du Bien et du
Mal qu’il lui agitait était ridicule. Si un jeu avait à être joué, autant qu’il
soit de qualité. « Ecoute, ne me fais pas l’affront de me présenter les
tiens libres de rallier un camp sans autre contingence que le respect d’une -
il mima des guillemets avec ses doigts - morale. Ce n’est certainement pas
cette, comment dit-elle déjà, « incapacité post-traumatique à comprendre
un raisonnement moral sophistiqué »
- le vieux moine esquissa un nouveau sourire - qui pousse tes Frères à
s’embusquer là-dessous, Antoñ . Espères-tu sincèrement me faire avaler que
vous ne visez pas l’application d’un Code qui balaierait le nôtre dès que
possible ? Tous ces gosses que vous enlevez, que vous arrachez à un père
ou à une mère pour les emmurer dans l’idée qu’ils ne puissent jamais se
reproduire, toutes ces fillettes que vous laissez en pâture aux Serpes à
condition qu’elles soient massacrées après usage, ne me dis pas que c’est par
morale. Je vaux un peu mieux que ça
je pense. J’estime que tu devrais m’accorder un peu plus de considération. »
Au serrement de ses mâchoires, il sut qu’il était allé
trop loin : un brutal accès d’humeur de cet interlocuteur-là, dans un
réduit pareil… Il goûta brièvement au paradoxe d’être enfoncé à une centaine de
mètres à peine de l’une des places fortes du Chevron les mieux équipées en
matière de soins d’urgence, et de prendre le risque de crever là sans le
moindre secours à la suite d’un mauvais coup. Finalement, c’est avec une main
épaisse complaisamment posée sur son
épaule que le vieil aveugle se contenta de lui susurrer : « Il se
dit de drôles de choses sur ce qui s’est passé après Tori Shima, Professeur… Le
vieux front de l’Est a été le théâtre de si tristes épisodes... De nous deux,
qui serait assez bête pour donner des leçons à l’autre ? »
Des patrouilles avaient
sillonné la surface de l’Asie, dans les premiers temps. Quand il restait encore
un peu de carburant raffiné. Grâce à elles, quelques primo-réfugiés avaient pu
regagner les installations souterraines organisées à l’Ouest sous l’impulsion
des Forces Franches, qui cherchaient à sauver ce qui restait du Levant avant
qu’il ne bascule tout entier dans l’oubli radioactif. Personne n’envisageait
que l’Enfouissement allait échouer, à ce moment-là : les militaires
suivaient encore un plan. L’ironie du sort voulut que l’U-87 venu extirper les réfugiés de l’Atoll soit
obligé de les déposer dans une unité de l’ex-armée chinoise ayant accepté leur
transfert, la situation ne permettant plus d’atterrir dans des conditions
favorables vers le Ponant.
Leurs « hôtes » les accueillirent sans trop
d’hostilité : au vu des circonstances, il eût été aussi cruel que stupide,
pour une base scientifique, de refouler un groupe de sommités. Mais la vitesse
à laquelle la situation dégénéra, coupant petit à petit chaque bunker l’un de
l’autre, conduisit à l’installation d’un affreux climat paranoïde. Des
nouvelles effroyables arrivaient par le biais de fuyards tambourinant aux
portes et lentement, les esprits s’échauffèrent. A deux reprises, l’unité fut
prise d’assaut. Sous l’effet de la psychose, les tensions s’accrurent au point
que lorsqu’ils eurent fortuitement connaissance de la provenance réelle de
leurs « invités » – une confidence sur l’oreiller accordée par la
jeune Szu vint mettre le feu aux poudres -, les chercheurs chinois entrèrent
dans une incontrôlable furie : ils reléguèrent l’ensemble des japonais
dans les communs, où ils durent s’entasser après avoir été dépouillés de leurs
biens. Pour finir, après plusieurs débats houleux, il fut décidé de les traiter
« en mémoire du sort qu’ils avaient fait subir à leurs
compatriotes ». Dans tout le deuxième sous-sol, la situation se dégradait.
La Guerre des Clans débutait.
Les généticiens chinois - qui n’allaient pas tarder à
constituer le Clan Hung- laissèrent le choix au Professeur Anh-Mû-Oï, l’un des
plus vieux spécialistes nippons des Hibakusha[2], de
se « proposer » comme cobaye à la place de son fils afin que
soient poursuivis « in vivo » ses travaux sur le traitement des
expositions à la radioactivité, et il en fut de même pour un japonais sur deux
issus de Tori-Shima : chacun dut désigner celui de ses congénères allant
lui servir de cobaye. Le petit Léonard, né d’une union tardive d’Anh-Mû-Oï avec
son assistante, fut donc laissé en vie au prix de l’agonie de son père : en
quelques semaines à peine, l’un des plus grands espoirs en matière de
décontamination eut les organes liquéfiés et la peau brûlée par ses propres
assistants, de dernières expositions irrationnelles entraînant la dislocation
de son système nerveux sans que cette radicalisation n’aboutisse à la moindre
avancée scientifique. Après avoir passé de dernières nuits cauchemardesques aux
côtés d’un père en proie au délire et à l’ataxie dans un local de ventilation
partagé à huit, la suite de l’enfance de Léonard n’avait été qu’un long
esclavage haineux séparé de sa mère - elle-même livrée aux mains d’un de ses
congénères -, jusqu’à ce que sa propre formation médicale, dispensée avec une
extrême sévérité, ne le contraigne à reprendre les travaux de son père dès ses
quinze ans, exactement « là où ils avaient été laissés ». Il
s’efforça de ne pas être inutilement cruel, jusqu’à ce qu’il ne reste plus un
seul survivant de Tori-Shima qui ne soit irrémédiablement contaminé : mais
dès lors, il devint une machine. Ses étonnantes compétences - acquises après
quantité d’expérimentations déshumanisées sur de nouveaux types de
« sujets » fournis par l’explosion de la Guerre des Clans - finirent
par lui conférer un statut particulier au sein des Hung. Barricadée dans la
paranoïa de la maladie après avoir exclu petit-à-petit tous ceux de ses
ressortissants ne témoignant pas d’une compétence éprouvée dans un domaine
médical ou scientifique, l’unité muta en un triste mélange de consortium pharmaceutique
et de caste eugéniste régi par un ensemble drastique de protocoles au milieu
desquels ses conditions de détention s’améliorèrent, jusqu’à n’être plus que
décoratives : le vieux Hung lui-même, rongé par une démence précoce, finit
par le considérer comme son successeur. Claustré dans une quête insensée,
l’esprit clos, Léonard obligea de pauvres créatures à se reproduire entre elles
pour étudier le fruit de certaines dégénérescences combinées, jusqu’à ce qu’il
finisse lui-même par s’effondrer à la mort de son macabre mentor, vidé de tout
repère. La suite, ce fut son départ vers le sas de Blell après une évasion qui
n’eut pas même besoin d’être héroïque.
Le souvenir laissa l’asiatique silencieux.
« … et toi qui est si prompt à mettre en doute
les raisons qui pousseraient certains Frondistes à s’engager aux côtés des uns
ou des autres, tu t’es largement rapproché des Miniers, non ? Et bien,
sache que je considère Preutt comme le plus dangereux de vous tous. De la
trempe de ceux à qui l’on doit d’en être là. Il n’aurait pas dénoté parmi le
tas de salopards qui a provoqué tout ça là-haut, tu peux me croire. Les choses
ne sont jamais aussi tranchées, tu le sais bien. On ne range pas les gens dans
des cases, untel ici, tel autre là. A ce jeu-là, tu ne vaudrais pas mieux qu’un
autre. Tu veux survivre, c’est tout. Tenter ta chance. Peut-être as-tu
l’impression de dénoter, de valoir mieux que la plupart. Te connaissant, j’en
suis même à peu près sûr. Mais ouvre les yeux : ce ne sont pas les
Profondeurs qui s’effondrent, c’est juste vous. Et tu as raison, de plus en
plus d’Enfouis veulent remonter. La question est plutôt : qu’est-ce que tu
veux, toi ? »
Les avant-bras croisés sur le dessus des cuisses,
Anmuroy pensa à voix haute plus qu’il ne lui répondit vraiment :
« Que ça nous plaise ou non, le temps est compté avant que ne
ressurgissent les vieux systèmes, de toute façon. La violence va revenir. La
seule issue, c’est celle de l’expérimentation. – Et plus bas, cette fois comme
pour lui-même : Il faut chercher de nouvelles formes de vie.»
Ils
pouvaient tous remonter, quitter les Profondeurs : que pensaient-ils
trouver là-haut ? De l’eau ? Il y en avait ici, probablement plus
saine. Du vent ? Savaient-ils au moins de combien de siècles la terre aurait
besoin pour se débarrasser du poison qui y avait été déversé ? D’un
soleil ? Les nuages le cacheraient encore des années entières.
Par-dessus le nouveau silence qui vint ponctuer cette
conclusion, la voix du Moine perça avec calme dans une tonalité qui l’étonna :
harmonisée avec la résonnance de la petite pièce, sa densité, son volume et son
spectre lui parurent exactement appropriés. Cette maîtrise des forces fragiles
unissant la parole et le silence emplit Léonard de considération :
fugacement, il entrevit la dureté de la vie en Huitième et la force de
caractère qu’il fallait à des hommes comme celui-là pour accepter d’être de
cette façon-là, dans les oubliettes du monde, prisonniers d’une âme.
« Evidemment que la violence va revenir. Chacune
de vos Profondeurs est régie par des concepts différents, des attitudes
incompatibles et des terrains rivaux. A l’intérieur, vous les avez laissés
prospérer, se reproduire, reconstruire, et surtout, espérer : comment
comptez-vous ne pas recommencer à ce qu’ils s’entretuent ? Avec une
Règle ? »
Léonard se sentit fatigué. Peut-être une baisse de
pression dans le boîtier de délivrance d’hydreliox[3]. Il
jeta un œil au manomètre qui leur faisait face. Son jardin lui
manqua. Il se mit sans véritablement réfléchir à compter combien de personnes
étaient susceptibles d’évoluer dans le Chevron en ce moment-même. Plusieurs
dizaines de milliers. Cela représentait-il une force suffisamment importante,
au cas où il faille se barricader ? Ses pensées revenant malgré lui à son
interlocuteur, il se demanda quel regard cet homme-là pourrait porter sur sa
quête d’écosystèmes souterrains, s’il s’enhardissait à lui montrer l’une de ses
serres. Cela l’ébranlerait-il ? Le temps manquait terriblement, une fois de
plus. Il trouva ça drôle, qu’il lui parle de la Règle de cette façon.
Effectivement, quel recours pouvait-on encore attendre de l’Avent ? La Primitive. Fût un temps, il l’avait trouvée belle.
C’était il y a longtemps. Le Tobbe décida de mettre fin à la rêverie de son
hôte :
« Bon, je t’accorde qu’un choix disons, éthique,
doit pouvoir se baser sur une sorte de foi scientiste… Je ne suis pas sûr que
ça change grand-chose, pour finir.
- Corporatiste, Tobbe.
Corporatiste. Je me suis efforcé de m’entourer d’esthètes qui ont fait le choix
de vivre l’Enfouissement comme une expérience. Je ne goûte pas plus que toi au
côté larmoyant de l’Avent. Je vise juste à créer des Entailles…
- Des entailles ? Une « entaille »,
n’est-ce pas aussi ce que le Vasd Neut appelait Fraction, autrefois ?
- Oui… et non. Travailler à créer des entailles ne
revient pas uniquement à se nourrir ou à s’opposer à des préexistants :
quel que soit le domaine, chacune de nos recherches vit et respire à travers ce
domaine. Les Corporatistes dont je m’entoure y sauront tout au sujet de ce
domaine, ils chercheront à tout vivre
au travers de ce domaine. En même temps, cette maîtrise est un
passe-temps : il leur faudra en écarter tout sens supérieur, toute volonté
d’accession au pouvoir. Entendons-nous, il n’est pas condamnable en soi
d’accéder à un certain pouvoir : mais ça ne pourra pas être le moteur de
l’entaille. Quelle que soit la forme qu’elle revête, l’entaille doit seulement
être parfaite esthétiquement. Je vais d’ailleurs te donner un exemple :
la création du Mur-Mémoire était une superbe entaille. L’intérêt du
détournement des données du Bunker Central des Mines ne réside pas tant dans la
spoliation de ses infrastructures, ni le recyclage de ses ressources, que dans
la compréhension du système même du Terminal, et dans l’entaille qui a pu y
être faite. » Si Emmerick avait compris ça pensa-t-il pour lui-même, il
nous aurait tous à sa botte.
« Fais-tu allusion à la Conclave ? Tu
cautionnes l’insertion d’une prophétie Neutienne dans votre ouvrage ?
- Je ne souhaite pas, comme Preutt, la destruction de
ce Mur maintenant qu’il est devenu ce qu’il est : j’en veux la liberté
totale. Les notions de propriété ou de viol telles que la Septième les impose
sont, justement, des positions morales : l’argument de ce Mur, dès sa
conception, c’est au contraire l’efficacité. Conserver privées, secrètes, conditionnelles, les potentialités qu’il
recèle est non seulement inefficace, mais nous prive tous de l’esthétisme initial de sa conception.
- Hmmm… L’esthétique est une notion émouvante lorsque
l’on a vingt ans : mais à quarante, et à deux-mille-six-cent-cinquante
mètres sous terre, c’est plutôt comique. A moins que tu ne cherches, par je ne
sais quel faux-fuyant, à me parler de l’Enfant…
- Ils croient qu’un autre
Conseil permettra de savoir quoi faire. Je suis bien placé pour savoir que
c’est idiot : j’ai passé une grande partie de ma vie à essayer de
comprendre les phénomènes de l’Œil - et de bien d’autres mutations d’ailleurs.
J’ai étudié plus de manifestations que tous les experts des trois Profondeurs
réunis. Soi-disant, il est promis aux mains de la Septième… Quelle merde.
- Je sais que l’enfant est
ta propre création, Léo. »
C’était la première fois
qu’il utilisait son nom. Anmuroy ne sut s’il s’agissait là d’un témoignage
d’affection. L’idée lui parut saugrenue.
« Les choses ne
devaient pas se passer comme ça. La fille n’aurait pas dû donner naissance à un
Porteur. » Il s’étonna lui-même de cette confidence. Ici était un peu
nulle part et celui-là était un peu personne. Toute solitude, même la plus
farouche, ne trouvait-elle pas à s’épancher, à un moment où à un autre ?
« J’ai fait une seule erreur, Antõn : je n’ai pas envisagé que l’exil
de Maulian Khal puisse entraîner des modifications dans sa structure
chromosomique. Je ne sais pas comment, ni quand, mais il a été soumis à des
radiations d’une telle densité qu’elles ont totalement perturbé le programme
génomique que j’avais planifié pour l’association de leur patrimoine, à elle et
à lui. » Le Patriarche l’écoutait sans ciller, facilitant –
consciemment ou pas – le naturel avec lequel il libérait sa conscience :
« …L’enfant devait être un prototype parfait. Un spécimen admirable, doté
de toutes les caractéristiques permettant de vivre au cœur des roches sans que
ses dominantes biologiques, physiologiques, sensorielles et psychologiques n’en
soient affectées. Un espoir formidable de mutation souterraine… Je n’ai
que faire d’un Porteur d’Œil. On ne peut rien tirer de ce genre-là. Rien du
tout.
- J’aurai juré que tu avais
voulu ce résultat-là. Comme quoi…
- C’est ce que tout le monde
a cru, semble-t-il. Ca m’a donné une longueur d’avance, pendant un temps. Ils
voulaient juste une monnaie d’échange avec Celio : menace contre menace.
La Conclave contre le gosse. Je n’avais pas de meilleure idée, jusqu’à ce que
j’y voie l’occasion de concrétiser un vieux projet. Cela ne changeait rien pour
eux, et aucun d’entre eux n’a jamais cru dans mes travaux : ils se sont
tous toujours éperdument foutu de mes recherches (sauf Celio, pensa-t-il pour
lui-même non sans une certaine amertume), du moment qu’ils obtenaient ce qu’ils
voulaient. Pendant que j’ai programmé la fille ils ont échafaudé les grandes
lignes de leur chantage et puis très vite, ils sont retournés à leurs
obsessions personnelles en attendant de le récupérer. Et les choses ont merdé.
Enfin, si l’on peut dire. La nature ne se soumet jamais vraiment à ce qu’on
cherche à lui imposer... Nous devrions tous le savoir. Moi plus que les autres.
Maintenant que le gosse est comme il est, croire que les choses en resteront là
est ridicule. Des fois, je me dis : autant en avoir le cœur net,
non ? – rajouter qu’à ce stade, il était totalement perdu, aurait été
superflu.
- Je suis obligé de te dire
que tu me surprends, l’ami. C’est une qualité devenue rare. Mais je ne
comprends pas, du coup, pourquoi tu peux souhaiter qu’il puisse avoir accès au
Mur : appelle-la comme bon te semble, « entaille », « fraction »,
mais il y a quelque chose de diabolique à vouloir faire entrer en collision
votre Mur-Mémoire, la Conclave et ce petit porteur d’Œil… aussi étrange que
cela puisse te paraître, je n’aime pas l’idée d’avoir à en finir de cette
façon-là. » Il tripota le mousqueton, faisant jouer le clapet rouillé.
« Bizarrement, je n’ai pas le moindre goût pour le chaos. J’ai déjà
traversé ça. Je l’ai déjà vécu, bien au-delà de ce que la plupart des Enfouis
ont pu connaître. Bien au-delà de ce que les plus résistants d’entre ces
putains d’Enfouis pensent avoir traversé. Et je n’ai pas la moindre envie de
revivre ça. »
Un silence étonnamment léger
enveloppa l’écoutille, rendant soudainement importants des détails inutiles. La
mauvaise qualité de ce boulon qui avait été remplacé sur le carénage du hublot,
qui allait finir par fragiliser l’intégrité de la vitre. La micro-fente
zigzaguant sous cette grosse boursouflure de la soudure, dans l’angle gauche,
tout en haut. Le coin inférieur du banc en tôle, mal replié sur lui-même, dont
on sentait du bout des doigts que l’angle avait été dévié par un mauvais
réglage de la machine à emboutir.
« Tu le prendrais,
toi ?
- Ton petit monstre ?
C’est un mâle. Après tout, la Huitième n’est-elle pas l’endroit où il serait le
plus à sa place, si vous n’en voulez plus ? C’est chez nous
qu’atterrissent tous ceux que vous considérez comme des rebuts, en général.
- Oh, ce n’est pas qu’ils
n’en veulent plus : en l’état, ce serait même plutôt le contraire. C’est
justement ça, le problème. Qu’on lui coure tous après sans qu’au final, un seul
d’entre nous ne sache réellement quoi en faire. C’est malgré ça qu’il faudrait que tu acceptes, toi, de le descendre.
- Tu veux bien, toi,
t’accrocher à la physique quand tous tes compagnons s’obstinent à la
philosophie… (Une brute était-elle capable de faire référence à
Kant ?) Ce n’est pas grave d’échouer, Professeur. Tout le monde échoue.
Depuis toujours. Inutile de regretter ce que vous tous, chacun indépendamment
des autres, avez planifié pour les autres. Rien que tu souhaiterais y
substituer ne remportera davantage de succès. »
L’évocation d’un futur dans
lequel il suffisait d’enfermer un problème sous une dalle étanche pour le tenir
définitivement à distance procura à Léo un fugace instant d’apaisement : son
esprit lui sembla distendu, comme dilué. Il se rêva ailleurs, l’esprit léger,
quelque part dans une salle de laboratoire nimbée de l’odeur familière du
détergent. Puis la sensation que beaucoup trop de temps s’était écoulé le rattrapa.
Comme le Tobbe semblait attendre encore autre chose de lui – n’en avait-il pas
assez dit ? Avait-il été avare de confidences, ne s’était-il pas montré
assez faible, suffisamment humain ?-,
il se trouva soudainement embarrassé. Il ne se sentait plus aussi déterminé qu’au
moment de descendre, il se serait même senti, à cet instant précis,
terriblement penaud. Cet entretien était une erreur. Qu’avait-il donc obtenu,
lui qui était descendu si bravache ? De quelle magie, de quelle sorcellerie ce
vieux démon avait-il usé pour réduire à néant toute la palette qu’il était habituellement
capable de déployer, toute cette science du comportement humain qui d’ordinaire
faisait merveille - qui d’ordinaire faisait capituler les plus rétifs en à
peine quelques phrases soupesées - au point qu’il en soit arrivé lui-même à tout lui balancer sans pour autant
- c’était un comble - avoir glané la moindre information ? Antoñ avait eut-être
raison de les considérer, tous les Six, comme des baltringues. De sacrés baltringues. L’autre s’était
appuyé contre le mur et tamponnait à l’aide d’un petit mouchoir brodé – arraché
à un enfant, de toute évidence - le blanc écoeurant qui lui collait à la
commissure des lèvres : tant d’inhabituelles paroles l’avaient fait
saliver, semblait-il. Dans la poitrine de léonard, la frustration céda le pas à
la colère, sans vraiment de transition. Des deux chefs qu’ils étaient, des deux
meneurs qu’ils incarnaient, lequel était digne d’être suivi ? Celui qui
dirigeait une Profondeur entière, un réseau de Cité-Puits mécanisées dédiées à
la Science aux prises avec les toutes dernières techniques en matière de
génomes, de greffe, de transplantation, ou celui à la tête d’un troupeau
d’égarés à moitié mabouls ? Ce Tobbe
n’était qu’un troglodyte en mal de sensations, un pauvre type, un obscurantiste
déféquant au fond d’une grotte, un putain
de vieillard ! Les dents
serrées, il chercha le moyen le plus rapide de clôturer l’entrevue : après
tout, l’autre devait se sentir en confiance et il n’était pas dit que Léonard
Anmuroy repartirait d’ici totalement bredouille.
« Et toi,
rejoindras-tu quelqu’un ? Je veux dire, personnellement ?
- Moi ? Je ferai
exactement comme toi. Je resterai en bas, et j’attendrai.
- Quoi
exactement ? »
Le Patriarche lui
sourit : « Qu’il ne reste que nous. »
« Et alors ?
- Alors, je te
tuerai. »
[1] L’une des fosses océaniques les plus profondes ; elle
a conjointement été convoitée, à l’aube de l’Enfouissement, par des réfugiés
chinois et japonais visant les installations bétonnées des trois îlots
composant l’atoll d’Okinotorishima. Les réfugiés japonais comptant dans leurs
rangs une grande quantité de scientifiques issus d’un même consortium de
recherche en génétique, ceux-là ont déterminé qu’un trop grand nombre empêcherait
toute possibilité de survie au regard des ressources offertes par l’atoll.
L’antagonisme historique opposant les deux peuples a scellé le sort des
chinois, qui ont tous été massacrés avant que les généticiens nippons ne
décident de se débarrasser d’une part de leurs propres compatriotes, jusqu’à
atteindre le nombre qu’ils s’étaient fixé. Ils ont ensuite, à l’abri de la
fosse et grâce aux installations dédiées à l’exploitation des Energies
Thermiques des Mers, constitué le tout premier « Regroupement Scientifique ».
[2] Terme japonais désignant les survivants des
bombardements d’Hiroshima et de Nagasaki, puis, par extension, les survivants
de bombardements atomiques ou neutroniques
[3] Basé sur le principe de la plongée sous-marine, mélange respiratoire utilisé dans les
sas de jonction inter-Profondeurs au-delà de la Cinquième composé d'hélium, d'oxygène et d'une petite part d'hydrogène.
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