LA REGLE PRIMITIVE - Chapitre Douzième :::: (Le 4ème H - Tome 1)



CHAPITRE DOUZIEME


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« Mettez de l’ordre dans votre âme ; réduisez vos besoins ; vivez dans la charité ;
Ne vous écartez pas de la Communauté ; obéissez aux tercets. Faites confiance. »
Livre des Aventiens – 1er Tercet


(Puits d’Inari – Zone frontalière - InterProfondeur Deuxième/Première)


« Et MERDE ! »
Il jura en tirant sur l’anse coincée entre deux barreaux. Ce n’était pas tant le prix à payer, cela faisait à peine trois Grand-Cycles qu’il remontait la haute tubulaire après le Senon. Le remords, la honte, c’était une autre affaire.
D’abord, emprunter la petite capsule puante qui le hissait jusqu’au Coude[1] à partir de l’arrière-salle de la Conserverie, où Frère Haas l’attendait avec le matériel. Une fois en Quatrième, après une rapide inspection des alentours et avoir enfilé le monocartouche puant sur sa figure, enclencher le boîtier de l’ascenseur à gravats à l’aide de son Encarta : à tout prendre, autant remonter ce niveau-là assis, quitte à prendre le risque d’une avarie. Les occasions de se laisser aller à l’oisiveté étaient rares : s’asseoir une dizaine de minutes sans personne sur le dos était une aubaine.
Un barreau, puis un autre. Cent-vingt-trois en tout depuis la sortie de l’ascenseur, pour remonter sur le site de prélèvement en expirant bruyamment dans le filtre. D’après Frère Anja, par ici des hommes avaient cherché de l’or, avant. Enfin, haletant, les cuisses raides, il put lancer les deux sceaux vides devant lui. S’il trouvait une pépite, il se la garderait pour se faire refaire une dent, au cas où.
Il réajusta sa tunique, re-sangla les récipients dans son dos, passa un doigt le long des élastiques pour soulager la peau de ses joues et entama la traversée de la 76. En bas, ils étaient certainement en train de réciter la Règle. Ca commençait avec les Vigiles qui les arrachaient au sommeil ; ça se poursuivait avec les Séduales, le plus pénible des sept Services : bien qu’elles soient synonymes d’une première Désaltération - et parfois même d’un peu de nourriture -, le Retsam d’Inari, Père Estheb, y faisait son unique apparition du Cycle. La vieille baderne. Heureusement, le Senon les libérait de lui sur la promesse d’un repas avant qu’ils ne soient renvoyés à un deuxième temps de corvée jusqu’à la Sonnaille de fin de service. Après une soupe translucide, la lénifiante réunion du Chapitre établissait les tours de garde et la répartition des équipes, puis annonçait les progrès de chacun en informant la communauté toute entière, à haute voix, des réussites et des échecs personnels. Le début de l’Offre les envoyait dans la salle d’eau pour les Ablutions, puis aux nettoyages, et le coucher était prononcé. Beaucoup trop tôt, comme à chaque fois.
La vieille baderne, généralement, simulait un Entretien avec l’un d’entre eux. Le Haut Dévot avait commencé par ne tenir aucun compte du fait qu’il soit déjà en possession d’un Encarta : il lui avait fallu craindre son tour, comme les autres. L’instant venu, il s’était contenté de lui tendre des pièges grossiers, puis son questionnement s’était éloigné du cadre des Us pour ne porter que sur l’Apatheia[2], ce qui fut le signe qu’il n’aurait pas à subir d’autre simulacre de Conversion. Il en avait ressenti une sorte de fierté - notamment parce que Jeen était venu assister à son interrogation.
Il n’en avait pas été de même pour Rod, qui en était déjà à son neuvième passage et continuait à s’emmêler les pinceaux entre les tercets tout en confondant les Pénitenciels entre eux. La vieille baderne en avait fait son souffre-douleur. Il ne le lâchait pas, répétant à l’envi qu’il était la honte de l’Oblation, que l’Avent n’avait que faire d’idiots dans son genre et qu’il passerait sa vie à frotter des latrines.  
Remplir deux seaux de terre gelée. Redescendre. Nettoyer. Réciter. S’attabler. Débarrasser. Ranger. Apprendre. Répéter. Recommencer. Tester l’Œil. Frotter son corps à la pierre ponce, se tresser mutuellement les cheveux. Taper les linges au battoir. Se battre, parfois. De plus en plus souvent. Pleurer. De moins en moins souvent. Etait-ce vraiment ça qu’on prévoyait pour eux dans les Cloîtres, où bien Inari était-il une sorte d’impasse ? Non pas que la vie du Ligodon paraisse plus exaltante : à bien y réfléchir, les colons de la Laponique ne faisaient pas rêver non plus. Pallati, le vieux Kiel… Mais à défaut d’une Cité-Puits, Orangis offrait-elle quelques perspectives d’exploration, d’espaces vierges, de reconstruction quelconque, de bricolage d’engins. Inari ? A quoi bon descendre jusqu’au niveau de la Ligne pour y grossir le rang de comptoirs si las d’eux-mêmes ? Quel intérêt d’être ouvert sur le Réseau si c’était pour vivre aussi nus qu’au Nord de la Cinquième, pareillement prisonniers de routines sans qu’aucun visiteur ne se présente aux portes, jamais ? A quoi bon se lever et se coucher en Septième, si ce n’était pour sortir de ces murs qu’afin de remonter le Puits jusqu’ici ?
En même temps, il n’aurait peut-être pas été à la hauteur ailleurs. Peut-être était-il à sa place. Ils avaient été les deux seuls à s’être enorgueilli, le bras tendu comme une flèche, d’être déjà monté dans un niveau d’accueil. Rod, et lui. Deux beaux imbéciles. Les gars d’Orangis. Voir Rod se décomposer, perdre toute sa superbe et prendre cette mine effarée l’avait un peu amusé, sur l’instant. Mais comment lui n’avait-il pas senti le piège ? Arriver en qualité de Convers l’avait déjà mis en porte-à-faux vis-à-vis de la Communauté : on n’avait pas arrêté de lui dire. De pas la ramener. Qu’arriver en retard, même en provenance de la Cité-Mère, ne lui permettait pas d’ouvrir sa gueule. Qu’avoir un Encarta ne suffisait pas. Qu’il n’aille pas s’imaginer des choses. Il ne s’était rien imaginé pourtant. Le port de l’Œil lui avait semblé plus important, voilà tout. En cela aussi, il s’était trompé. Des porteurs d’Œil, il y en avait d’autres à Inari. Manyan, et Giro. Ca l’avait décontenancé, puis terriblement contrarié.
Rod avait du affronter le même genre de détestation primaire : privé de son frère, trimballé sur plusieurs milliers de kilomètres, offert au Temple après d’âpres négociations l’ayant tristement confronté à son peu de valeur, les choses s’étaient tout aussi mal présentées. Son nom avait été retenu aussi rapidement que celui de Nadun, et lui n’était pas Porteur. Lui n’était rien. En levant le doigt l’un par bravade, l’autre en espérant s’attacher un peu de considération, la même leçon leur avait instantanément été donnée : à Inari, la forfanterie générait la corvée. Se démarquer revenait à se proposer, or rien de ce qui était à faire ne méritait qu’on se propose.
Se rapprocher autant de la Surface ne tentait personne, en bas : qu’il ne s’agisse que d’une légende destinée aux Pupilles ou qu’il y traîne un fond de vérité, la Communauté affirmait que des Reclus traînaient en haut du Puits. Ce n’était pas impossible : il en avait lui-même sentis, du côté de Sephta. Pourquoi pas ici ? Sans compter que le creuseur endossait sa part de responsabilité dans la qualité des repas : après nécessiter des GrandCycles entiers de croissance dans l’aile Nord, les racines demandaient encore à bouillir longtemps avant de devenir comestibles. Or si la terre était trop mauvaise, les tubercules devenaient fétides au point qu’il faille les morceler en petites rondelles pour pouvoir les avaler sans mâcher : mauvaise terre, mauvaises racines. Les Moines, eux, la consommait indifféremment crue ou cuite, sans faire cas de son aigreur : ils ne souffraient du souvenir d’aucune autre saveur si bien que malgré toute l’eau qu’il y avait juste au-dessus d’eux, personne ici ne semblait attiré par l’aquaculture. Pas moyen d’avoir des algues, à Inari. Pas même une fois par Grand-Cycle. La Septième toute entière étendue autour d’eux, à l’Est comme à l’Ouest, et rien d’autre que de la terre, de l’arrosage, des lampes et des tubercules. En soupe. En purée. Crus, cuits, braisés, bouillis.
Rien d’étonnant à ce que tous les Frères d’ici soient crayeux, la peau molle et parcheminée. Même celui qu’ils appelaient Le Porc n’était pas vraiment gros : il était juste difforme. En fait, à côté d’eux, les Prétendants arrivaient tous grassouillets.
Redescendre avec le poids des seaux lacérant les épaules. Ne rien renverser sous peine d’avoir à effectuer un deuxième voyage ; tâtonner patiemment du bout du pied chacun des échelons branlants sans ne croiser quiconque, ressentir ce fond de peur au contact de bruits lointains, tressaillir aux chocs sourds de la cabine de l’ascenseur de délestage, regarder les portes s’ouvrir les mâchoires tendues, réajuster son masque, guetter, reprendre les seaux, les rattacher, ôter son masque, le vérifier joint par joint puis le replier dans son tube en enroulant les lanières à plat, passer son Encarta sur le lecteur de la capsule, se contorsionner à l’intérieur, affronter l’odeur de rance debout durant les interminables minutes de la descente et enfin, se sentir soulagé d’être de retour au Cloître sain et sauf. Grimacer à l’odeur de la Conserverie, faire glisser les seaux dans le passe-sacs, attendre la pesée et la noter scrupuleusement dans un coin de sa tête, puis passer au jet glacial de la décontamination entièrement nu devant Haas : voilà ce que leur avait rapporté leur présomption imbécile. Plutôt, pour finir, ce que ça lui avait rapporté à lui : Rod n’avait pas tenu deux Quarts. La première fois, il était revenu avec la moitié d’un seau, le pantalon souillé. La seconde, avec rien : il n’avait pas réussi à atteindre le haut de l’échelle.
Ils l’avaient obligé à croupir dans une cellule de Pénitenciel et dès qu’il était reparu, les autres s’étaient moqués de lui plus durement qu’avant. Estheb l’avait sermonné jusqu’à ce qu’il en pleure, et il était retourné nettoyer les chiottes. Nadun n’avait rien pu faire. Prendre sa défense serait revenu à le condamner plus sûrement encore. Au moins ne le frappaient-ils pas.

Le premier niveau d’Inari ressemblait probablement à ce que Rod avait du voir de la Surface avec son empoté de père. Le Puits débouchait sur un entrelacs de galeries en pente dont la plupart étaient ensevelies. Comme souvent au Nord, le forage avait été creusé en dessous d’une mine : des rails courraient au milieu des tunnels et des chaînes pendaient à peu près partout. L’excavation se trouvait au bout de la 76, à gauche. Ce n’était qu’une grotte. Elle aurait aussi bien pu se trouver n’importe où ailleurs, il n’était pas utile d’avoir foulé le moindre centimètre de Première pour réussir à s’y mouvoir. Bon sang, à quoi s’étaient-ils attendus en levant le doigt, tous les deux ? Des félicitations ? Des louanges ? Quels cons. Au-delà de la limite de la grotte, il restait quelques tunnels mourant vers l’Est. Le long de la 76, pas une meurtrière, rien qui ne laisse filtrer la Surface, rien que de la roche forée à la pioche. Le site de prélèvement était un vulgaire trou dans lequel on s’éclairait à la lueur d’une bougie dont la flamme chancelait pour un rien, la paraffine ayant été refondue trop de fois pour enserrer correctement la mèche. Un froid insidieux y imprégnait les vêtements et la terre maculait tout, donnant l’impression, une fois de retour en bas, d’avoir été plongé dans une mare puante. L’extérieur se trouvait peut-être juste au-dessus : il aurait tout aussi bien pu ne pas exister. A part échapper à l’insupportable promiscuité des Laures, errer dans cette excavation après presque un demi-Quart de monter d’échelle n’était en rien un exercice périlleux. Une corvée, voilà tout. Corvée de terre. Inari, dans toute son absurdité. Séminaire de la Profondeur Mystique, tu parles. Ca les faisaient bien marrer en bas, tous autant qu’ils étaient. Enfin, pas vraiment.
A genoux, il se mit à donner de violents coups verticaux à l’aide de la pelle, qu’il gratta ensuite par le côté. S’attaquer à un sillon existant aurait été plus facile car la terre y était plus meuble mais il avait fait son choix. La corvée se présentait ainsi : se barder les paumes d’ampoules au contact d’une portion de sol intact et n’affronter en bas, au retour, qu’une seule et unique douche glaciale, ou remplir le seau de mottes plus sombres, meubles et grosses, pleines de poison mais extirpées sans trop de difficultés. Et prendre l’option quasi-systématique d’une contamination non-réglementaire. C’était en fonction de son humeur, depuis. De sa bonne volonté, non : il n’en mettait jamais. Cette fois, l’idée des quatre douches et des frottis à la pierre ponce qui avaient salués ses deux précédentes expéditions lui parut insupportable. Autant s’esquinter les mains.
Au tiers du premier seau, sa pensée vagabondait déjà. Combien de Convers avaient pu le précéder ici ? Combien, avant lui, à racler le sol avec cette pelle ? Partout sur les parois, lorsqu’on approchait la chandelle, des inscriptions avaient été soigneusement grattées : on devinait sans peine la trace de mots ou de dessins gravés à la hâte, mais bien qu’il a parcouru à plusieurs reprises chaque centimètre de paroi jusqu’aux fonds coupants, pas un mot, pas un signe qui n’ait été effacé, lacéré de petites griffes minutieuses. Qui d’entre les Frères montait ici avec pour tâche l’éradication patiente de toute trace laissée par un corvéable ? Il pensa à Jeen, le Convers. Le laid d’Areie. Les autres Frères d’Inari pouvaient pas le blairer, ça se voyait. Il ne leur ressemblait pas, avec son corps sec et ses cheveux roux très courts. Et puis il était beaucoup trop grand : aucun couloir ne lui permettait de se tenir droit, il faisait claquer ses godillots les mains croisées dans son dos plié en deux, toujours à lorgner sur eux ou à écouter aux portes. Toujours là où on ne l’attendait pas, penché en avant. Une vraie plaie. Peut-être qu’ils l’envoyaient pour gratter, juste pour le faire chier. Mais l’un des mous était plus probable, parce que malgré tout, Jeen semblait jouir d’une sorte de statut intermédiaire. Parfois, il se disait qu’il n’était là que pour eux deux, Rod et lui. Pour les surveiller. Après tout, il était remonté d’Areie par le même convoi que le leur. S’il n’y avait pas eu Manyan, il en aurait presque été convaincu. Il l’aimait bien, Manyan. Ca se voyait. Giro, c’était l’inverse.
Il se demanda quelle sanction était prévue pour avoir tracé quelque chose. La pelle grattait et fouillait, creusant en tournant sur elle-même. Il balança une nouvelle pelletée dans le seau, sans même regarder. L’envie de s’attaquer ici ou là à une phrase, un mot, un signe, était tentante. L’idée de vérifier qu’il existât encore à la corvée suivante. Quand l’intérieur de la main faisait trop mal, il changeait. Il était moins doué avec la droite.
Le seau jaune rempli il passa au vert, son regard courant sur les parois à la recherche d’un endroit. Qu’est-ce qu’il pourrait graver ? M.a.u.l.i.a.n ? En fait ici, tout le lui rappelait. En bas, les occasions étaient rares d’être livré à soi-même mais là, dans ce dépouillement et ce silence, la solitude faisait ressurgir les mêmes douleurs stupides. Les mêmes larmes étaient retenues. Maulian. Molin. M’Pa. Orangis. Orangis n’était pas si loin. Peut-être que l’envie le tenaillait, lui aussi ? Peut-être lui arrivait-il d’envisager un voyage jusqu’ici, comme lui s’imaginait parfois s’échapper pour quelques Quarts, s’enfoncer sur le quai de l’Autorail et partir à la recherche de la prochaine station du Réseau. Impossible de ne pas céder à l’idée de fausser compagnie aux prélats, échafauder un plan d’évasion, duper leur vigilance, et regagner le dortoir comme si de rien n’était. Tenter de devenir, lui aussi, une sorte de Maulian. Maulian serait parfaitement capable de duper leur vigilance : en pulvérisant Molin il s’était rendu furtif, décidé, capable de les observer, de l’observer lui, quelque part, dans le plus parfait silence. Il songea un instant à tenter sa chance d’ici, directement sous le lac, en explorant une des galeries abandonnées. Rod lui avait expliqué que son père avait affirmé à Ürge que les sous-sols étaient entièrement creusés sur des centaines de kilomètres quasiment sur toute la longueur du Svalbard. Une de ces galeries partait peut-être directement vers le Nord, jusqu’au Fest. La 77, ou peut-être la 80. Si ce gros balourd avait réussi à faire la route à pied jusqu’à Utjoski, il n’y avait pas de raison. Avec une demi-douzaine de torches et quelques belles racines, peut-être atteindrait-il le Ligodon. Mais après ? Prendre le risque de se perdre, de tomber sur des Reclus – le souvenir des silhouettes de Biayok hantait encore régulièrement ses cauchemars – de mourir peut-être, tout ça pour qu’ils finissent par le ramener, plus humilié encore ? Le souvenir de la famille qu’ils avaient constituée tous les trois s’estompa lentement avant de retomber sur le sol de la grotte, inutile.
Le seau vert était plein. Il en aplanit la surface avant de revenir à la strie, qu’il entreprit d’épousseter. Le haut du récipient devait faire envie, question de prestige. Il repéra la rainure la plus épaisse, d’où dégorgeait de la terre presque meuble. L’angle d’une pierre empêchait le sillon de s’évaser complètement : à l’aide de l’outil saisi à l’envers, il tapa violemment dessus. La pelle vola à travers la grotte juste après que son cri se soit étouffé dans le masque. Le doigt endolori, il chercha en vain un moyen de déverser sa colère. Ses yeux quittèrent quelques secondes l’horizon de la cavité pour se concentrer sur la pulpe de son majeur palpitant à l’intérieur du gant. La douleur s’estompait peu à peu. Lorsqu’il revint au sillon après avoir récupéré son ustensile, derrière la pierre qu’il n’avait réussi qu’à faire pivoter à demi en s’esquintant le doigt, un éclat. Cela pouvait être un simple reflet dans le hublot de son masque, mais il approcha quand même la chandelle qu’il fit jouer d’avant en arrière, renversant une larme de cire sur la moufle. Une minuscule combure réagit au passage de la flammèche : d’assis il passa sur les genoux, la cartouche du masque collée au plus près de la bougie. Au bout d’un temps, sous le frottement de son doigt, un corindon translucide jaune orangée bomba un ventre oblong de deux ou trois centimètres sous la lumière chancelante.
Ce n’était pas de l’or, mais c’était beau. Des miroitements couleur d’ambre dansaient au contact de la flamme. Il se figea. Dans sa tête, les choses se précipitèrent. Il attrapa la pelle, posa la chandelle directement dans le trou et appuya de ses deux mains sur l’outil pour faire basculer la pierre : sous le coup de l’impatience, il faillit fendre la veinule. Il se força à inhaler plus lentement. De la buée commençait à couvrir le bas des hublots, signe qu’il ne maîtrisait plus sa respiration. A regrets, il suspendit sa tâche un instant. Enfin, il la tint entre ses doigts. Il frotta le dos de ses lentilles avec le revers de son gant, oubliant la langue de cire qui vint s’étaler sur le hublot, bouchant à demi sa vision. Agacé, il approcha la chandelle de sorte qu’elle éclaire la gemme en contre jour. Le petit fil entortillé, comme autrefois dans la chapelle de l’anneau de Sephta, lui apparut au cœur de la concrétion. Un ver minuscule. Il exulta. Comme il avait vu Maulian le faire, il frotta doucement le minerai contre son avant-bras, puis un peu plus vigoureusement, et le représenta à la lumière. La tentation d’ôter son masque pour le porter à ses narines le traversa, le souvenir presque effacé de l’odeur à la fois douce, sucrée et âcre de l’Ambre tanguant dans sa tête. Il balaya la grotte d’un regard neuf. Il aurait pu danser, ou crier. Il tâta la gemme à travers son gant, le cerveau aiguisé comme une lame. Restait à trouver comment ramener son trésor au Cloître sans en être spolié au moment de passer sous le jet. Il passa rapidement la sangle dans les deux anses, créant nerveusement de sa main valide la série de boucles à travers lesquelles il fit revenir le bandeau, le reste de la main refermé sur la gemme. Il s’emmêla un peu, s’agaça, tira au hasard : son index faisait mal et il n’avait jamais été doué pour les nœuds.
             
Il posa le pied sur le premier échelon, les seaux derrière le dos. Il tâta pour la sixième fois le revers de sa manche dans lequel il avait enroulé son butin et rassuré, il cambra les reins pour permettre au double chargement de passer l’ouverture. Il estima sa charge à huit kilos, peut-être neuf. Avec une terre plus meuble il aurait pu en recueillir presque treize. Une fois nettoyée, en bas, cette récolte lui vaudrait quatre ou cinq kilos de terreau, qu’il rendrait à Jaarmy pour leur sizaine. Celui-là, il l’aimait bien. Il l’avait accueilli les deux fois précédentes avec le même enthousiasme, touchant la terre de ses mains nues, la faisant couler avec lenteur entre ses doigts. Beaucoup le leur enviait, à Inari. Leurs racines étaient grosses. Encore deux entresols à passer, puis le pallier d’accès lui permettrait d’ôter son masque. La chaleur remontait depuis les profondeurs, chassant l’humidité par vagues. Il voulut se gratter la tempe et son coude accrocha la pelle pendue à sa ceinture : il rattrapa l’objet au vol, et c’est ce moment que choisit la sangle pour se défaire. Le seau vert, encore retenu, se renversa tête-bêche en vidant son contenu d’un bloc qui partit dans un jet poussiéreux vers le sous-sol. Le jaune, plus gros, se détacha de la sangle avec un sifflement de tissu râpeux et partit tout entier dans une chute lourde. Accroché d’une seule main au montant de l’échelle, il suivit l’écho des heurts, bing, bang, babong.
L’idée d’avoir tout perdu ne lui fit pas particulièrement d’effet. La gemme, dans son petit étui de tissu improvisé, dormait sous son poignet. Un autre apprentissage allait commencer. Un vieux rite. Un rite interdit. Un rite Khal. Le bruit sourd de l’impact final résonna de très loin : le seau venait d’atteindre la barge du pallier d’accès, éclatant probablement sous le choc quelque part devant l’élévateur.
Les échelons défilèrent, ses pieds dansant l’un en dessous de l’autre sur les barreaux glissants, le seau vert brinquebalant tête en bas contre ses reins. L’idée de croupir dans une geôle de Pénitenciel lui était presque agréable : il n’avait pas envie de compagnie. A l’entaille du Deuxième Niveau, il observa une pause. Maulian avait peut-être échoué à ce qu’il reste à Areie, mais il l’avait suffisamment rudoyé pour qu’il sache comment réagir, après tout. Mettre les choses à son avantage. Il s’ajusta dans la tubulaire en poussant sur ses pieds, s’assit dans le creux de l’ouverture et attrapa la sangle. Il essuya grossièrement le verre maculé de cire sans meilleur résultat et se mit à frotter la bande de tissu sur l’arête la plus proche de lui. Cela prit plusieurs minutes mais son stratagème sembla fonctionner.
Sur le sol du pallier d’accès de la Troisième, il boucha cette fois le hublot gauche avec sa main pour parvenir à faire correctement le point sur le dosimètre, s’assura de la valeur négative de la portion et ôta le masque d’un geste qui lui rougit l’oreille. Le seau jaune était fendu sur toute la longueur. La terre, répandue sur le sol pour partie, semblait l’attendre. Le reste avait du poursuivre sa route vers le bas et s’éparpiller le long des treuils. Une bonne minute plus tard, dans la cabine de l’élévateur le redescendant vers le Coude, ses dents malhabiles finissaient d’effilocher la sangle déjà laminée sur un bon centimètre. Lorsqu’elle se sectionna, il fixa le résultat un bref instant, puis déroula précautionneusement le revers de sa manche pour libérer la gemme. Il la fit encore rouler entre ses doigts juste une fois, pour le plaisir, puis d’un geste il la fourra dans sa bouche. En dehors d’un vague gout de terre, il ne s’en dégagea rien. En respirant goulument par le nez, il se débarrassa de son chasuble. Le torse nu, il se frotta vigoureusement la poitrine au moyen d’un des deux pans de la sangle si bien qu’en quelques instants, en travers de son dos, sur son épaule et zébrée sur son ventre, apparut une traînée rougeâtre et boursouflée qui lui cuisait la peau. Il se revêtit en grimaçant sous la brûlure, puis la bouche empêtrée par le corps étranger, passa l’anse du seau vert directement autour de son cou. Il avait peur de l’avaler. Il pencha le menton. Dans le fond du seau qui tirait maintenant sur sa nuque, il avait envoyé quelques pelletées de terre récupérées sans vraiment de soin sur le sol, mélangées à de la poussière. Pour finir, il fit un nœud avec les deux bouts cisaillés auquel il attacha le seau jaune hors d’usage, et attendit le signal d’arrivée de l’ascenseur.

« Merde, t’aurais pu y rester.
- Et t’as quand-même ramené presque un kilo.
- Ouais, c’est pas avec ça non plus qu’on va agrandir notre surface de pousse. »
Celui qui vient de briser les éloges est costaud. Prosper. Un grand avec des yeux globuleux qui occupe la cinquième couche et nettoie lentement le montant de sa paillasse, qu’il quittera comme chacun d’eux aux Vigiles. Ici, on change de couche à chaque fin de Cycle : tout doit être lavé à l’issue de l’Offre, des sols au plafond. Le peu d’eau distribué aux sizaines, c’est pour les parois, les dalles et les meubles : le reste, faut se débrouiller. Tout se partage, y compris les grabats, afin que personne ne cède à la tentation de bâcler les nettoyages. Bols, linges, vêtements : la bouche et les doigts pour les uns, la terre, le sable, les pierres pour le reste. La communauté doit se renforcer de ces changements incessants, obligeant chacun à trouver dans la Règle une compagne unique. C’est ainsi que s’atteint l’Hesychia, l’état de quiétude propice à lutter contre la passion.
Les traits fermés, Nadun jauge son adversaire. « Je t’emmerde, Prosper. Si tu veux plus de terre, t’as qu’à aller la chercher toi-même. » Les bagarres sont sévèrement réprimées ici. Ca n’empêche pas leur multiplication. L’eau, la nourriture, le savon, la terre, tout est prétexte au pugilat.
« M’en fous, j’aime pas les racines… 
Prosper abandonne. Nadun s’en tire à bon compte mais ne lâche pas pour autant :
- T’es de corvée de merde, Prosp’, alors tiens-t-en aux problèmes de compost, ok ? Jaarmy s’occupe du potager, et Jaarmy ne partage pas ton avis sur ce que j’ai ramené, pas vrai Jaarmy ?
Le frêle indou, tapi dans l’entrée, frotte avec obstination un petit pan de mur à l’aide du fongicide fourni par la Sixième qui les fait tous tousser. On l’entend à peine murmurer :
- Sûr Nadun, sûr…
Le quart est voué au silence. Si un Frère vient à passer, ils écoperont d’une sanction.
- Moi c’que j’en dis, après tout… »

Frère Haas a été surpris de sa colère : il n’a rien trouvé à redire quand il lui a mis sous le nez la sangle cisaillée et le seau fendu avec un regard chargé de sous-entendus. Il a fait appeler Frère Sotov, l’infirmier, puis l’a examinée en faisant la moue avant de la lancer dans un bac derrière lui puis il s’est levé comme si ça lui coûtait quelque chose, et s’est déplacé en traînant des pieds jusqu’à l’étagère des fournitures sur laquelle il a empoigné un rouleau de sangle neuf, deux boucles en acier et une poignée à cliquets qu’il a traînés vers l’atelier. « Faudra faire un rapport » a-t-il dit à Sotov.
A cause de labrûlure, Nadun a réussi à échapper au jet pour bénéficier d’une toilette au linge pour laquelle il n’a pas eu besoin de retirer tous ses vêtements : il a escamoté la veinule sans trop de difficultés. Son cœur a tambouriné dans sa poitrine, la peur d’être découvert l’a fait terriblement transpirer, mais il a réussi à la cracher dans sa main en simulant une quinte de toux. La sangle a cassé, l’emportant dans une chute impressionnante : elle n’a pas été vérifiée comme elle aurait dû l’être, et au péril de sa vie il a rattrapé un seau, et de la précieuse terre. Il a ramené le seau et la sangle fautive, et il a voulu remonter avec deux seaux vides et une sangle neuve, après sa décontamination. C’est Frère Haas qui a refusé. Voilà tout.
Un linge propre couvre la boursouflure lacérant son torse fluet, faisant ressortir son épaule. Il trône ainsi dans la Laure, un chiffon à la main, au milieu de ses cinq compagnons. La tête penchée sous le sommier en ferraille, il scrute le pan qu’il est censé récurer, dont il n’a pas frotté le tiers.
«  Merde, on suffoque ici... »



*** * ***





(Centre Sanitaire d’Ousse, Cité du Chevron  - Sixième Profondeur)


Quand il fut certain que la dalle ovale avait parfaitement jointé les interstices et que la clé ne pourrait serrer davantage, Anmuroy se releva. Au sol, l’entrée condamnée de l’échelle descendante ressemblait à un bulbe. Il resta une seconde aux aguets puis s’attela à annuler le code de pressurisation. Il tourna finalement la valve du manomètre en position d’arrêt : en dessous, l’air ne circulerait plus. Satisfait, il entreprit de faire pivoter le volant de la porte étanche. Au bout de quelques tours, le jeu de vérins se distendit et le pêne fut libéré. Le scientifique continua néanmoins, tout en bloquant le montant à l’aide du pied, de faire tourner le volant sur son axe jusqu’à ce qu’il sorte de son essieu : il enjamba alors le seuil, referma la porte et le repositionna dans l’autre extrémité de l’axe, tournant à nouveau quelques cercles à vide en sens inverse jusqu’à ce que la résistance lui indique que les leviers de fermeture étaient enfoncés en fin de butée. Ce sas-là était condamné. Il faudrait en faire de même avec tous les autres. Plus aucun  point de contact vers la Huitième ne devait rester poreux : il en était fini du contact avec les Frondes.
A l’intérieur du réduit à peine plus large que lui, il observa un instant de l’autre côté à travers la vitre, puis pivota de façon à se retrouver face au bas de l’échelle. L’idée de la remontée le fatigua. Il posa un pied sur un barreau à mi-hauteur et se hissa avec un râle. Comme prévu, l’ascension fut pénible. Il se promit de s’offrir un cocktail de vitamines dès que possible. Se remettre un peu à l’exercice, aussi. Son ventre était flasque, ses bras un peu mous. L’envie n’y était pas. Souffrir sur une machine, soulever des poids, travailler sa résistance. Peut-être se contenterait-il d’accepter de vieillir, après tout. D’avaler régulièrement quelques compléments pour limiter la casse. Au carénage indiquant la Septième  - sur laquelle la tubulaire n’ouvrait pas -  il s’autorisa une pause, les deux pieds sur le même échelon. Il inspira longuement par le nez, souffla lentement par la bouche. Ses jambes étaient mal assurées. Heureusement qu’il ne restait plus beaucoup d’effort à fournir. La zone de l’incinérateur était juste au-dessus, à une vingtaine de mètres. 
Cette fois, il était pantelant. Après s’être débarrassé de la combinaison jetable, il ouvrit le coffret : à l’intérieur, ourlée d’un œilleton en caoutchouc, la lentille de contrôle reflétait dans son fond la lumière de l’ampoule allumée de l’autre côté de la paroi. Ousse était là, juste derrière. Il plaqua son œil à la découverte de l’image du couloir déformée par le verre grossissant: d’une qualité médiocre, elle permettait de jauger la fréquentation de la section depuis l’intérieur de la cloison. Rassuré, il s’ausculta rapidement le torse, s’épousseta une épaule, corrigea sa chevelure et se prépara à sortir. Le pan de mur dallé se referma derrière lui dans un souffle, se refondant dans la paroi d’un blanc uniforme. Une vague de soulagement le parcourut. Il songea un instant à une soudure puis sans transition, se lança d’un pas décidé que d’aucun aurait pris, à cet instant, pour une marche entamée depuis l’angle lointain de la coursive.
Malgré l’effort que cela lui demanda il poursuivit sa traversée de la même foulée rapide, espérant ne croiser personne qui se sentît obligé de lui adresser la parole. Il n’était pas habituel qu’il sorte d’Iola : quiconque ici, s’il se retrouvait en sa présence, ne pourrait s’empêcher d’essayer de le retenir un instant.
A l’autre bout du chemin balisé, une fois la porte refermée, il hésita un instant face aux deux tubulaires. Les capsules-brancards étaient plus confortables, mais plus lentes. Une capsule-cercueil, avec son absence de lumière et ses jets stérilisants, rendrait la traversée éprouvante mais permettrait de rallier Iola en moins d’un Quart : le temps qu’il venait de perdre avec le Tobbe compressait la situation. S’il arrivait à Raue après Jean-Paul, Balt aurait été obligé de partir sans l’avoir vu. Il fut surpris de se trouver si nerveux. Ca ne lui ressemblait guère, comme cette incapacité à se décider : il se sentait enrayé, comme sous l’effet d’un anesthésique. Son cerveau tournait à vide et son pouls, qui s’était inutilement accéléré lors de sa traversée de la station, ne revenait pas à la normale. La sensation d’avoir terriblement foiré ces deux derniers Quarts le hantait. Bon sang, qu’est-ce qui lui avait pris de tout lui balancer comme ça ? Il se sentit soudain terriblement frustré, contrarié même, de ne pas avoir sous la main la pilule qui l’aurait aidé à traverser ça : il était à la merci d’un sentiment détestable. Etait-il devenu ça, un genre de type incapable d’avancer sans ses pilules ? Démuni face aux événements, dès lors qu’il sortait de sa laure ? Les portes bombées des deux couloirs, quasiment collées l’une à l’autre avec leur boîtier digital éteint, ne l’aidaient en rien à prendre une décision. Paradoxalement, au plus les secondes s’égrenaient, au plus la sensation de perdre du temps l’empêchait d’agir. Le décor de la chambre d’expédition lui parut oppressant. Il essaya de chasser l’image stressante de Balt et de Georg en train de l’attendre et l’idée du voyage jusqu’à Sephta, tout à coup, l’angoissa. Il tourna sur lui-même à la recherche de quelque chose qu’il ne trouva pas, l’envie de renoncer accrochée à la poitrine. Il rêva mollement de regagner son laboratoire, un scenario dans lequel il déclenchait la procédure d’isolation, verrouillait l’ensemble de la Sixième et se coupait de tout contact avec l’extérieur accroché à l’esprit. Ses yeux glissèrent sur les alignements de canules, les dopplers 10/66, l’oxymètre, les bacs étiquetés remplis de capteurs autocollants enroulés dans leurs fils, puis les colliers cervicaux, les holters et les masques à oxygène, les deux matelas à dépression, cédant, il le réalisait, à un début de panique. Il tomba enfin sur une bouteille plastique à tétine, déchira son emballage et aspira fiévreusement de longues gorgées d’eau tiède à travers le tuyau recourbé. La bouteille gémit en se tordant sur elle-même, jusqu’à ce qu’il en extraie les dernières gouttes. Il était en nage. Assis sur le rebord du rail central, il souffla bruyamment vers le plafond en éclaboussant la pièce de gouttelettes.
Le Quart suivant, deux tablettes orodispersibles dilapidant un amer mélange de vasodilatateurs sous sa langue, il fonçait à plus de trois cent kilomètres-heures dans le tunnel sanitaire, allongé à l’intérieur de l’obus profilé de la morgue.



[1] Module de raccord élaboré sous Yo à l’issue d’Ultime Offensive : unité de jonction reliant les anciennes structures verticales de Première, Deuxième et Troisième Profondeur avec les niveaux plus profonds - Principe architectural reposant sur une dérivation de l’axe central d’une Cité-Puits au moyen d’une desserte médiane en forme d’étoile ouvrant sur plusieurs axes horizontaux en Quatrième Profondeur servant de soupapes, et déportant de deux cent vingt-deux mètres l’axe du Puits pour réouvrir l’accès aux trois niveaux inférieurs.
[2] La méditation pure : elle détermine un sentiment d’action Supérieure. Le sujet assiste à un brusque éveil des puissances demeurées en léthargie avant sa Conversion, et réalise dans son corps « l’état profond ». La méthode de concentration pour atteindre cet état passe par une récitation consistant à atteindre un synchronisme du souffle et de l’invocation, dans une certaine posture : cette méthode est parfois récompensée par la « transfiguration », la libération de la peur de l’enfermement.

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