"... à la fois nouveau démiurge et bricoleur"
"Thierry
Calvier a initié le projet Quatrième H en 1989. De par sa durée et son
ampleur, il y a forcément quelque chose qui titille la curiosité. Se souvenant
peu ou prou de ces années où les gens de ma génération s'extirpaient de
l'adolescence, de tels projets étaient nombreux à sommeiller dans les cartons
ou, plus généralement, dans les fantasmes. L'influence de Tolkien et des premiers
jeux de rôles poussaient les imaginaires vers des œuvres monumentales, non plus
des esquisses de mondes reconstruits – alors même qu'on sortait de visions
apocalyptiques que la Guerre Froide et les terreurs nucléaires avaient
entretenues tout au long des années 70 – mais des civilisations entières
rebâties sous la plume d'un auteur, à la fois nouveau démiurge et bricoleur,
chercheur avide d'une métaphysique souvent new age mais surtout totalement
désespérée, cherchant à réinventer ce qui était en train, sous ses yeux, de
s'écrouler. Période de doute sombre où tous les enthousiasmes semblaient avoir
été abrasés par le kitsch idéologique des années 80 et où l'on avait tous
l'impression de vivre dans ce No Future que le mouvement punk prédisait la
décennie précédente.
Sans
doute peu de ces projets titanesques ont vu le jour ; et, quelques trente
ans après, l'un d'eux arrive à maturité ; c'est une œuvre monumentale, à
la hauteur de ses ambitions primitives.
Voilà
donc à quoi l'on est confronté lorsqu'on rencontre le Quatrième H : une
œuvre aboutie de cette génération des années 80, tiraillée par les aspirations
de la génération précédente, et dépassée – en vitesse – par celle des années 90
qui, soudain, sembla s'imposer en provoquant un formidable mouvement d'accélération.
Influencé
par les premières visions apocalyptiques d'un Norman Spinrad, le Quatrième H
oscille entre plusieurs phares qu'on ne peut réduire à la seule littérature de
« genre ». La dimension politique de la saga est extrêmement
présente : on y retrouve les joutes stendhaliennes de « la Chartreuse
de Parme » tout autant que la froide noirceur d'un John Le Carré ou le
fatalisme de Virgil Georghiu. Dans l'élaboration d'un mystique propre au monde
des profondeurs, on retrouvera quelque chose de « Dune » de Franck
Herbert, pourtant dans une version désabusée où les mythes psychédéliques
semblent s'être effondrés et où, tel le rockeur agonisant, le cauchemar de
l'autodestruction vient prendre quasiment toute la place."
Philippe Hauer - Directeur des Editions Vanloo.
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